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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #15

Nous avons reçu 3 recommandations d’action concernant le jeu de décision du Leader’s Digest #15.

Les jeux de décision de Leader’s Digest vise à inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous reprenons d’abord le dernier scénario présenté ; ensuite, Lt-col Patrick Hofstetter à la chaire de conduite et de communication de l’Académie militaire de l’EPF Zurich, présente les recommandations d’action que nous avons reçues.

Jeu de décision de Leader’s Digest #15

Scénario

Cela fait maintenant quelques semaines que la situation se dégrade dans la région. Il y a deux semaines de cela, les forces paramilitaires de l’adversaire ont pris le contrôle de plusieurs villages le long de la frontière suisse et ont positionné deux divisions lourdes de manière dispersée à distance de notre artillerie (>20km). La pression est palpable. Le premier échelon des forces mises à disposition pour le service actif (Task Force JOMINI), mobilisées depuis deux mois, est entré en action il y a quatre jours et a ratissé la frontière, afin de couper les forces paramilitaires de tout lien logistique avec l’étranger.

Adversaire

Une demie-section (<20 personnels) s’est retranchée dans le principal village du secteur. Ils sont armés d’armes d’infanterie et antichars, ils ont eu en outre le temps pendant les trois derniers jours de renforcer leurs positions de manière significative. Il semblerait que l’adversaire puisse prendre avantage des sous-sols et du réseau de canalisation qui longe les routes principales, il n’est pas possible de détruire ce réseau avec de l’artillerie. De plus, avec le temps de préparation, l’adversaire a très probablement piégé les bâtiments là où il souhaite nous ralentir et renforcé la structure des bâtiments qu’il souhaite tenir.

Forces Propres

La compagnie ALFA fait partie des bataillons du second échelon des forces mises à disposition pour le service actif (Task Force JOMINI), mobilisés il y a un mois. L’ambiance était amicale durant l’entrée en service, car les militaires revoyaient leurs camarades pour la première fois depuis une année. Toutefois, les esprits étaient marqués par la sérosité de la situation. Une guerre, vraiment ? Chacun a encore de la peine à y croire. Et bien que personne n’ait jamais expérimenté la guerre, cela en a tout l’air. Le service actif a finalement bien été décrété.

En raison des grandes distances entre les différents secteurs d’engagement, du manque de forces à disposition et de la nécessité d’éviter les grands amassements de troupes (menace aérienne des drones), l’engagement des bataillons de second échelon se fait de manière décentralisée. Les forces du premier échelon assurent la frontière et sont en train de planifier les prochaines actions. La compagnie FOXTROT a bouclé les accès et sorties du village dans notre secteur.

La compagnie ALFA fait partie des éléments de second échelon qui ont été désignés pour nettoyer les poches de résistance adverses. La compagnie a terminé son instruction et se tient prête à planifier son premier engagement.

Mission

Vous êtes le commandant de la compagnie de grenadiers de chars ALFA et vous venez de recevoir la mission de prendre et de nettoyer le village dans votre secteur d’engagement. L’action doit être terminée dans 72h. La compagnie ALFA doit se tenir prête pour un nouvel engagement à l’horizon J+6 jours. Vous pouvez proposer au commandant du bataillon la direction de l’attaque dans le cadre du dialogue tactique. 

Environnement

Le village est constitué de bâtiments en construction massive, comme on en trouve en Suisse. Tous les bâtiments sont connus, leur degré de fortification cependant n’est pas connu. La population civile a quitté le village dans sa majorité, des éléments isolés peuvent encore s’y trouver. Les réfugiés sont disponibles pour vous fournir des informations sur le village.

Temps

La mission doit être emplie au plus tard dans 72h. Il faut déclencher les mesures d’urgence dans 30min et ensuite planifier l’action avec les chefs section, l’horaire est de la responsabilité du commandant de compagnie.

Questions

  • Quels sont les mesures d’urgence ?
  • Quelle est l’intention générale pour mener cet assaut ?
  • Comment est-ce que je prépare ma compagnie à l’engagement ?
  • Comment est-ce que j’utilise le feu indirecte et les spécialistes EOD ?
  • Comment est-ce que je manoeuvre en surface et en sous-terrain ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #15

Le dernier TDG a tout d’un exercice scolaire – je ne connais en tout cas aucun village nommé A-Dorf présentant la structure locale décrite. Les exercices scolaires servent souvent à discuter de questions fondamentales. Cinq questions me viennent à l’esprit, auxquelles je vais tenter de répondre en me basant sur les trois solutions proposées.

Les principes d’engagement (CT 17, chiffre 5008) peuvent aider à déterminer la forme d’attaque, c’est-à-dire ici à choisir entre une attaque linéaire et une attaque concentrique. Les trois solutions proposées suivent une approche linéaire. Je suis d’accord avec cela. Le principe de « simplicité » plaide particulièrement en faveur de cette approche, mais aussi celui d’« orientation vers l’objectif » : nous ne voulons pas nous emparer d’un bâtiment particulier sur lequel nous nous concentrons de manière concentrique ou que nous voulons nous baser sur la « surprise » venant de différents côtés. Notre mission est de nettoyer tout le village.

Dans le cas d’une attaque linéaire, la question de la direction de l’attaque se pose. Le règlement prévoit une attaque sur un côté étroit, ce qui rend plus difficile pour le défenseur de « disloquer les moyens et synchroniser les effets » et facilite pour l’attaquant de « verrouiller et fractionner » (CT 17, chiffre 5046). Ici, les solutions sont hétérogènes : une proposition attaque par le sud puis pivote vers la droite, ce que je qualifierais de non conventionnel. Cela ne doit pas nécessairement être un inconvénient tactique, car il s’agit de procédures auxquelles un adversaire ne s’est guère préparé. Dans le même temps, cependant, la coordination et, en particulier, la prévention des tirs amis peuvent s’avérer difficiles. Une solution consiste à attaquer depuis le nord-est. L’approche couverte à l’abri de la forêt semble attrayante, mais il faut également traverser la rivière, ce que j’éviterais personnellement. Enfin, la troisième attaque le long de la route depuis l’est, avec une section au sud et une autre au nord de la route. C’est certainement la variante la plus simple et la plus rapide, c’est pourquoi je la préfère. Cependant, une attaque depuis l’ouest aurait probablement rendu la défense encore plus difficile.

En ce qui concerne les égouts, toutes les propositions recommandent de les éviter. Il semble évident, et pas seulement au regard de Gaza, que le défenseur dispose ici d’un avantage considérable. Deux des trois propositions suggèrent toutefois d’inonder les égouts, par exemple en faisant appel aux pompiers civils. Cela me semble être une solution créative qui pourrait limiter efficacement l’adversaire. D’un point de vue technique, la faisabilité devrait être discutée avec un expert en incendie, mais même une immersion partielle devrait déjà gêner l’adversaire.

L’utilisation proposée des moyens de soutien peut être utilisée pour dissiper un malentendu courant. Une contribution remarque : « Mais dès que la première section est dans le village, la distance minimale de 600 m ne peut pratiquement plus être respectée ». Cela doit être clairement rejeté ; ces distances de sécurité s’appliquent aux tirs de combat. En cas de guerre, l’utilisation du mortier de 8,1 cm doit toutefois être acceptée à une distance nettement plus proche de ses propres troupes, en particulier si celles-ci sont protégées contre les éclats. Dans ce cas, il convient de tirer avec des tirs indirects jusqu’à ce que les mitrailleuses de 12,7 mm puissent agir directement, conformément au principe « le feu sur l’objectif d’attaque ne doit jamais cesser ». Il est urgent de reconnaître les prescriptions de sécurité en temps de paix comme telles et d’indiquer dans les règlements des distances de référence réalistes pour les décisions tactiques.

De nombreuses propositions ont été faites sur les autres points, en particulier les mesures d’urgence. Il me semble par exemple intéressant de consulter au préalable des personnes connaissant bien les lieux, d’appeler la population à fuir et l’ennemi à se rendre, d’interroger les fuyards (ce terme désigne notre propre population, par opposition aux réfugiés) et de se procurer les plans des bâtiments auprès des administrations.

J’ai pu trouver des éléments positifs dans chacune des trois contributions, mais je ne suis pas d’accord avec tous les points. En cas de doute, c’est la décision de base qui est déterminante pour moi et, à cet égard, je préfère l’approche du capitaine Robin Wehrle, qui consiste à envoyer une section au nord et une section au sud de la route depuis l’est. S’il accepte, en tant qu’officier d’appui-feu, de ne pas respecter les règles de sécurité pour les tirs de combat en situation de guerre, je suis entièrement d’accord avec lui. Je le félicite d’ores et déjà pour avoir remporté le livre « Combattre et vaincre en ville » de Frédéric Chamaud et Pierre Santoni.

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