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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #17

Les jeux de décision de Leader’s Digest vise à inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous reprenons d’abord le dernier scénario présenté ; ensuite, Lt-col EMG Patrick Hofstetter à la chaire de conduite et de communication de l’Académie militaire de l’EPF Zurich, présente les recommandations d’action que nous avons reçues.

Jeu de décision de Leader’s Digest #17

Scénario

Adversaire

En approche du Checkpoint 37, vous (1) avez eu un contact avec un poste d’observation adverse qui a fuit immédiatement vers le Nord-Ouest.

Peu de temps après cette rencontre, il est clair que le gros de votre bataillon, à l’est de vous (2), est engagé et a été stoppé dans son avance vers NARROW PASS. Depuis votre position, vous pouvez observer plusieurs positions mitrailleuses adverses au Nord-Est. Toutefois, les transmissions sur le réseau de conduite du bataillon ne sont pas claires et ne vous permettent pas d’avoir une vision complète de l’adversaire. Vous estimez toutefois que le principal engagement se déroule vers le pont qui enjambe la rivière.

Dans votre secteur, vous n’avez pas d’autre contact adverse.

Ressources propres

Vous êtes le commandant de la 1e section, 1e compagnie du 3e bataillon de Marines. (1) En plus de vos 3 groupes d’infanterie, vous avez reçu 2 groupes de mitrailleuses et 3 groupes d’engins filoguidés antichar de la compagnie d’appui du bataillon.

Mission

Votre bataillon doit détruire les forces adverses à SANCTUARY PLAIN, la plaine proche de SANCTUARY CITY, et y a déjà héliporté une compagnie. Cette dernière étant assiégée, le bataillon a décidé de lancer une attaque de secours en forçant le passage par la plaine.

Dans ce cadre, votre section a reçu la mission de suivre l’avance du bataillon par un sentier pédestre étroit afin de garder ce flanc.

Comme le bataillon est engagé, possiblement que la situation a changé, nécessitant donc une adaptation de vos plans. Les communications radios vous amènent à penser que le bataillon va tenter un mouvement d’enveloppement de l’adversaire par la droite.

Environnement

Il est 2015 et la nuit est tombée. Le ciel est clair et c’est un soir de pleine lune. Le terrain au sud de SANCTUARY RIDGE est accidenté et peu développé, avec une végétation épaisse et un relief prononcé. Le ravin que vous venez de traverser est sec et rocailleux, d’environ 1.20m de profondeur et 20m de large.

Rapports de temps

Voir le graphique ci-dessous. Vous avez 10 minutes pour analyser la situation et développer un ordre en 5 points inclus l’utilisation de vos armes d’appui et un croquis des positions que vous allez occuper. Préparez également les communications que vous envisagez d’échanger avec votre échelon supérieur.

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #17

Nous avons reçu cinq solutions bien élaborées pour le Tactical Decision Game #17 de la newsletter de juin, ce qui nous réjouit beaucoup. Cela montre qu’une situation pas trop complexe peut également constituer une bonne occasion d’entraîner la sécurité opérationnelle (commandement) et la sécurité procédurale (management).

Une telle procédure est le schéma de rapport OBAMA (inventé spontanément en 2008 dans le cadre d’un exercice de l’école d’officiers d’infanterie), qui se répand de manière remarquable : trois des cinq solutions ont formulé le rapport requis au niveau supérieur selon le schéma « Forces Opposées – Forces Bleues – Accomplissement de la mission (oui/non/pour combien de temps) – Mesures – Demandes » (en allemand, avec un peu moins de tricherie, mais tout de même). Les procédures favorisent la clarté et la simplicité, ce qui nous permet de concentrer notre attention cognitive sur le contenu pertinent, à savoir nos opérations.

En termes de contenu, les cinq contributions partagent le constat fondamental suivant : la mission principale de la section, à savoir assurer la protection du flanc ouest du bataillon, reste inchangée. Le commandement ne se limite toutefois pas à l’accomplissement optimal de la mission, mais consiste également à saisir les opportunités qui peuvent se présenter au-delà de la mission, en particulier lorsque la situation a changé. C’est le cas ici, puisque le reste de notre bataillon est au combat. Depuis notre position, nous pouvons ainsi soulager efficacement l’échelon supérieur en attaquant les positions de mitrailleuses identifiées de l’adversaire et d’autres éléments de son offensive sur le Narrow Pass.

La mission initiale reste toutefois inchangée. Comme plusieurs contributions le mentionnent explicitement, le retrait de l’élément de reconnaissance adverse indique précisément que l’adversaire pourrait toujours passer par le Western Narrow Pass – et nous sommes les seules forces en mesure de l’en empêcher.

D’où le dilemme : combien de forces dois-je laisser pour ma mission initiale et combien dois-je en affecter pour saisir cette opportunité ? Il convient également de décider à quel hauteur cette opportunité doit être exploitée : en profondeur, le long de Sanctuary Ridge en direction du Narrow Pass, plus près de la tranchée, en direction des positions de mitrailleuses adverses, voire dans la tranchée elle-même, dans l’espace du pont ?

Parmi les cinq solutions, trois sont plutôt conservatrices, c’est-à-dire qu’elles consistent principalement à tenir et à sécuriser la zone ouest, à explorer l’avant-terrain et à se tenir prêt avec un ou deux groupes pour une attaque sur les flancs. Pour rappel ou explication à l’intention des lecteurs moins familiarisés avec la tactique, « se tenir prêt » signifie préparer une action, mais sans la déclencher. Cela se fait généralement sur ordre du supérieur, mais peut également être effectué de manière indépendante ou à la suite d’un événement convenu.

Deux solutions prévoient une approche proactive, dont l’une avec une concentration rapide des forces et un risque plus élevé (seulement un groupe d’infanterie et une équipe de mitrailleurs pour la mission initiale, le reste étant réservé dès le début pour l’attaque de flanc), et l’autre avec un échelonnement dans le temps (d’abord prendre et boucler la colline à l’ouest de Sanctuary Ridge avec le gros des troupes, puis lancer la contre-attaque de flanc avec le gros des troupes). Comme, selon la description, les deux positions de mitrailleuses sont visibles depuis notre position et qu’un flanc rapide devrait renforcer considérablement l’effet de surprise, je préconiserais personnellement la concentration rapide des forces avec un risque plus élevé.

Cette solution est également illustrée dans la figure. Elle a été proposée par le sergent Lucien Stoessel – nous le félicitons pour sa victoire et lui souhaitons une bonne lecture de « Organizational Culture and Leadership » d’Edgar H. Schein.

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Leader's Digest Leader's Digest #17 Newsletter

Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #16

Les jeux de décision de Leader’s Digest vise à inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous reprenons d’abord le dernier scénario présenté ; ensuite, Dr. Florian Demont à la chaire de conduite et de communication de l’Académie militaire de l’EPF Zurich, présente les recommandations d’action que nous avons reçues.

Jeu de décision de Leader’s Digest #16

Scénario

Vous êtes commandant de compagnie au paiement de galons, assis dans votre bureau, concentré sur un concept d’exercice, lorsque le téléphone sonne. À l’autre bout du fil, c’est votre supérieur. La mère d’une recrue l’a contacté pour lui faire part de conditions qu’elle juge alarmantes au sein de la compagnie. Son fils s’est plaint d’un sous-officier qui, lors de l’inspection des chambres, a obligé les recrues à rester au garde-à-vous pendant une demi-heure et a jeté du matériel à travers la caserne. La recrue souffre d’un manque de sommeil et développe des états anxieux.

Comme vous n’avez pas encore mémorisé tous les noms et tous les visages après deux semaines d’école de recrues, vous faites appeler la recrue concernée dans votre bureau. Celui-ci confirme non seulement les déclarations de sa mère, mais ajoute également des détails supplémentaires. À plusieurs reprises, des recrues de sa section auraient été réveillées après l’extinction des feux pour courir autour de la caserne en tenue de sport. Ces « punitions » seraient motivées par des fautes telles que le mauvais entretien des chaussures, le désordre dans les chambres ou des retards à l’entraînement.

Lors du rapport de compagnie suivant, vous abordez le sujet et constatez que les chefs de section n’ont aucune connaissance des faits. Une cause possible est rapidement trouvée : les cadres supérieurs ne sont pas logés au même endroit que les recrues et les sous-officiers, ce qui rend un contrôle direct difficile. Afin d’examiner l’incident de manière approfondie, vous ordonnez à chaque recrue de la section concernée de donner son avis par écrit. Parallèlement, vous interrogez oralement les sous-officiers de la section afin de connaître leur point de vue. Il apparaît rapidement que le sergent Huber est l’instigateur de ces mesures. Son charisme a en outre incité d’autres sous-officiers à le suivre et à adopter des pratiques similaires.

Les déclarations écrites des recrues sont toutefois ambivalentes : alors que certains sergents accusent directement le sergent Huber, une majorité le défend indirectement. Beaucoup approuvent les mesures sur le fond et les considèrent comme des conséquences justifiées d’un manque de discipline. Le respect de l’ordre et de la propreté est en effet une vertu militaire fondamentale et fait partie intégrante de la formation.

Afin d’approfondir leur analyse de la situation, ils demandent également au sergent Huber de donner son avis par écrit. Dans son rapport, il cite le règlement de service et argue que ses mesures visaient à former les soldats, à faire respecter l’ordre, à promouvoir la camaraderie et à instaurer un respect durable envers les supérieurs. Il considère que sa manière d’agir était nécessaire pour inculquer la discipline aux recrues et souligne que des méthodes similaires sont également utilisées dans d’autres sections.

Une enquête complémentaire révèle effectivement que des pratiques similaires existent dans d’autres sections. Contrairement à la section concernée, elles ne sont toutefois pas perçues négativement. Au contraire, de nombreuses recrues les considèrent comme faisant partie de l’éducation et de la formation militaires.

Votre supérieur ordonne néanmoins l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du sergent Huber afin d’enquêter officiellement sur cette affaire. Après avoir examiné les bases légales et consulté un juge d’instruction militaire de votre connaissance, il apparaît toutefois qu’il sera difficile de trouver une base juridique solide pour une condamnation. La distinction entre une conduite militaire stricte et une brimade illicite est complexe, d’autant plus que de nombreuses recrues défendent ces mesures.

Vous êtes partagé. Plusieurs départs de votre compagnie, peut-être dus à la dureté du traitement, ont déjà eu lieu, et il reste encore seize semaines d’école de recrues. En même temps, vous reconnaissez la dynamique cohérente qui règne au sein du corps des sous-officiers – le problème inverse vous avait causé des difficultés bien plus grandes lorsque vous étiez chef de section. Il n’est pas facile de concilier la rigueur militaire et le devoir de diligence : vous souhaitez former et éduquer les recrues afin qu’elles soient aptes à défendre leur pays, mais vous devez également prévenir le harcèlement et les abus et sanctionner systématiquement les erreurs disciplinaires. Il est également important d’expliquer votre approche aux recrues, aux cadres, aux supérieurs et aux personnes extérieures.

Questions

  • Quelles mesures d’urgence prenez-vous ?
  • Comment conciliez-vous la rigueur de la formation et le devoir de veiller au bien-être des troupes ?
  • Que comptez-vous faire pour améliorer la situation d’ici la fin de l’école de recrues ?
  • Que communiquez-vous à qui ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #16

Le scénario présenté confronte un commandant de compagnie à une situation de commandement complexe : une recrue se plaint d’avoir été harcelée par un sous-officier, le sergent Huber, connu pour ses méthodes musclées, mais aussi apprécié par de nombreux camarades et certaines recrues pour sa cohérence. Les incidents vont de longues positions d’observation à des « exercices de punition » nocturnes. En même temps, il y a des indices de problèmes systémiques, car des pratiques similaires existent dans d’autres sections et les chefs de section semblent insuffisamment informés ou impliqués. Le supérieur du commandant de compagnie a déjà ordonné l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du sergent Huber, bien que la base juridique de cette procédure soit jugée difficile. Le commandant de compagnie doit maintenant prendre des mesures immédiates, trouver un équilibre entre la fermeté militaire nécessaire et le devoir d’assistance, améliorer la situation à long terme et communiquer ses décisions à différents groupes d’interlocuteurs.

Nous ne présentons pas ici un condensé de toutes les soumissions, mais la proposition de solution du lieutenant Ralph Meier, en soulignant pourquoi elle mérite la distinction du mois de mai.

Le lt Meier présente une réponse élaborée en détail, caractérisée par une structure claire et une analyse approfondie de la problématique. Son appréciation de la situation identifie précisément les problèmes clés : un déficit de commandement et de contrôle, la perception ambivalente des mesures par les recrues, la zone grise juridique, l’ampleur systémique des pratiques et le risque de nouveaux départs de la compagnie.

Comme mesures immédiates, le lieutenant Meier propose un ensemble d’interventions :

  • Une réunion immédiate des cadres pour clarifier les règles et les limites (ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas).
  • L’obligation temporaire de présence des chefs de section lors des contrôles de chambre et l’examen d’une suppression de la séparation physique entre les cadres supérieurs et la troupe.
  • Une offre d’entretien à bas seuil pour les recrues afin de pouvoir aborder les problèmes à un stade précoce.
  • La suspension de toutes les « mesures éducatives » douteuses jusqu’à ce que la situation soit clarifiée.

Pour trouver l’équilibre entre la fermeté et le devoir d’assistance, le Lt Meier prévoit

  • L’élaboration de critères clairs pour une sévérité appropriée, en collaboration avec les chefs de section.
  • L’institutionnalisation de séances de réflexion avec les sous-officiers pour discuter des situations critiques et souligner l’intérêt des mesures éducatives.
  • Le développement d’un module de formation interne pour les sous-officiers.
  • L’introduction du renforcement positif et des entretiens anonymes avec les recrues.

Pour améliorer la situation à long terme, jusqu’à la fin de l’école de recrues, son plan prévoit

  • La mise en place d’un système de mentorat pour les sous-officiers.
  • Formations régulières des cadres sur des thèmes de gestion.
  • La révision des mécanismes de contrôle afin d’assurer une présence régulière, voire inopinée, des cadres supérieurs.
  • Des mesures de team building et une documentation et une évaluation cohérentes de tous les incidents et mesures.

Sa stratégie de communication est différenciée et s’adresse à tous les groupes concernés : les recrues, les cadres, son supérieur hiérarchique et même les parents de la recrue concernée (après son accord).

Le plan détaillé pour traiter avec le sergent Huber est particulièrement réussi. Le lieutenant Meier propose ici un entretien individuel pour comprendre ses motivations, mais aussi pour fixer des limites claires. Il veut utiliser de manière positive le leadership et le charisme de Huber, tout en le contrôlant et en lui montrant aussi bien les conséquences en cas de nouvelles infractions que les perspectives en cas d’évolution positive.

Un autre point remarquable est l’examen proactif de l’instruction de son supérieur concernant la procédure disciplinaire. Le lieutenant Meier argumente de manière fondée pourquoi il considère qu’une procédure immédiate contre Huber est disproportionnée et contre-productive. Il plaide pour que cette instruction soit reconsidérée et propose à la place un avertissement oral formel et un suivi étroit de Huber, tout en soulignant qu’il est prêt à engager une procédure disciplinaire en cas de nouveaux manquements. Il insiste ici sur sa marge d’appréciation en tant que commandant de compagnie dans le cadre de la tactique de la mission.

Les avantages de la réponse du lieutenant Meier sont nombreux :

  • Complète et détaillée : La réponse couvre presque tous les aspects de la problématique complexe et propose une multitude de mesures concrètes et bien pensées.
  • Approche systémique : le lieutenant Meier reconnaît qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème individuel avec le sergent Huber, mais de faiblesses systémiques dans la direction, le contrôle et la culture. Ses solutions visent donc des changements durables.
  • Équilibre : il essaie de trouver un équilibre entre la cohérence nécessaire et la reconnaissance des aspects positifs (par exemple l’engagement de Huber, le dynamisme du corps des sous-officiers).
  • Attitude managériale : le Lt Meier fait preuve d’une attitude managériale claire et responsable, en particulier dans ses relations avec son supérieur, où il défend son point de vue avec courage et de manière bien argumentée.
  • Orientation vers la pratique : de nombreuses propositions sont très proches de la pratique et témoignent d’une bonne compréhension des réalités quotidiennes du service (par ex. enquêtes anonymes, système de mentorat, séances de réflexion).
  • Une forte autoréflexion : le bilan final avec les enseignements personnels montre une forte disposition à l’autoréflexion et à l’apprentissage continu en tant que cadre.

Inconvénients possibles :

  • Intensité des ressources : certaines des mesures proposées sont susceptibles de nécessiter des ressources importantes. Toutefois, il s’agit davantage d’un défi de mise en œuvre que de conception.
  • Analyse des erreurs de communication passées : alors que la stratégie de communication pour l’avenir est très bonne, l’analyse explicite des raisons pour lesquelles la communication a échoué dans le passé pourrait être plus pointue – ce qui pourrait également aider à la justification.

Conclusion

La réponse du lt Ralph Meier constitue un traitement convaincant du scénario de gestion complexe. Elle se caractérise par une analyse approfondie, une orientation claire, une multitude de mesures concrètes et proches de la pratique ainsi qu’une bonne attitude de direction. La manière dont il aborde les différentes facettes du problème et les relie entre elles est exemplaire.

Pour ces raisons, la réponse du lieutenant Ralph Meier est considérée comme la meilleure parmi toutes celles qui ont été reçues. Elle offre non seulement une solution au problème spécifique, mais fournit également un aperçu précieux d’un commandement militaire moderne, réfléchi et responsable. Nous vous félicitons pour votre exemplaire de « Führung und das 3 Alpha Prinzip » de Hans-Christian Witthauer et Thomas Saller.

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #15

Les jeux de décision de Leader’s Digest vise à inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous reprenons d’abord le dernier scénario présenté ; ensuite, Lt-col Patrick Hofstetter à la chaire de conduite et de communication de l’Académie militaire de l’EPF Zurich, présente les recommandations d’action que nous avons reçues.

Jeu de décision de Leader’s Digest #15

Scénario

Cela fait maintenant quelques semaines que la situation se dégrade dans la région. Il y a deux semaines de cela, les forces paramilitaires de l’adversaire ont pris le contrôle de plusieurs villages le long de la frontière suisse et ont positionné deux divisions lourdes de manière dispersée à distance de notre artillerie (>20km). La pression est palpable. Le premier échelon des forces mises à disposition pour le service actif (Task Force JOMINI), mobilisées depuis deux mois, est entré en action il y a quatre jours et a ratissé la frontière, afin de couper les forces paramilitaires de tout lien logistique avec l’étranger.

Adversaire

Une demie-section (<20 personnels) s’est retranchée dans le principal village du secteur. Ils sont armés d’armes d’infanterie et antichars, ils ont eu en outre le temps pendant les trois derniers jours de renforcer leurs positions de manière significative. Il semblerait que l’adversaire puisse prendre avantage des sous-sols et du réseau de canalisation qui longe les routes principales, il n’est pas possible de détruire ce réseau avec de l’artillerie. De plus, avec le temps de préparation, l’adversaire a très probablement piégé les bâtiments là où il souhaite nous ralentir et renforcé la structure des bâtiments qu’il souhaite tenir.

Forces Propres

La compagnie ALFA fait partie des bataillons du second échelon des forces mises à disposition pour le service actif (Task Force JOMINI), mobilisés il y a un mois. L’ambiance était amicale durant l’entrée en service, car les militaires revoyaient leurs camarades pour la première fois depuis une année. Toutefois, les esprits étaient marqués par la sérosité de la situation. Une guerre, vraiment ? Chacun a encore de la peine à y croire. Et bien que personne n’ait jamais expérimenté la guerre, cela en a tout l’air. Le service actif a finalement bien été décrété.

En raison des grandes distances entre les différents secteurs d’engagement, du manque de forces à disposition et de la nécessité d’éviter les grands amassements de troupes (menace aérienne des drones), l’engagement des bataillons de second échelon se fait de manière décentralisée. Les forces du premier échelon assurent la frontière et sont en train de planifier les prochaines actions. La compagnie FOXTROT a bouclé les accès et sorties du village dans notre secteur.

La compagnie ALFA fait partie des éléments de second échelon qui ont été désignés pour nettoyer les poches de résistance adverses. La compagnie a terminé son instruction et se tient prête à planifier son premier engagement.

Mission

Vous êtes le commandant de la compagnie de grenadiers de chars ALFA et vous venez de recevoir la mission de prendre et de nettoyer le village dans votre secteur d’engagement. L’action doit être terminée dans 72h. La compagnie ALFA doit se tenir prête pour un nouvel engagement à l’horizon J+6 jours. Vous pouvez proposer au commandant du bataillon la direction de l’attaque dans le cadre du dialogue tactique. 

Environnement

Le village est constitué de bâtiments en construction massive, comme on en trouve en Suisse. Tous les bâtiments sont connus, leur degré de fortification cependant n’est pas connu. La population civile a quitté le village dans sa majorité, des éléments isolés peuvent encore s’y trouver. Les réfugiés sont disponibles pour vous fournir des informations sur le village.

Temps

La mission doit être emplie au plus tard dans 72h. Il faut déclencher les mesures d’urgence dans 30min et ensuite planifier l’action avec les chefs section, l’horaire est de la responsabilité du commandant de compagnie.

Questions

  • Quels sont les mesures d’urgence ?
  • Quelle est l’intention générale pour mener cet assaut ?
  • Comment est-ce que je prépare ma compagnie à l’engagement ?
  • Comment est-ce que j’utilise le feu indirecte et les spécialistes EOD ?
  • Comment est-ce que je manoeuvre en surface et en sous-terrain ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #15

Le dernier TDG a tout d’un exercice scolaire – je ne connais en tout cas aucun village nommé A-Dorf présentant la structure locale décrite. Les exercices scolaires servent souvent à discuter de questions fondamentales. Cinq questions me viennent à l’esprit, auxquelles je vais tenter de répondre en me basant sur les trois solutions proposées.

Les principes d’engagement (CT 17, chiffre 5008) peuvent aider à déterminer la forme d’attaque, c’est-à-dire ici à choisir entre une attaque linéaire et une attaque concentrique. Les trois solutions proposées suivent une approche linéaire. Je suis d’accord avec cela. Le principe de « simplicité » plaide particulièrement en faveur de cette approche, mais aussi celui d’« orientation vers l’objectif » : nous ne voulons pas nous emparer d’un bâtiment particulier sur lequel nous nous concentrons de manière concentrique ou que nous voulons nous baser sur la « surprise » venant de différents côtés. Notre mission est de nettoyer tout le village.

Dans le cas d’une attaque linéaire, la question de la direction de l’attaque se pose. Le règlement prévoit une attaque sur un côté étroit, ce qui rend plus difficile pour le défenseur de « disloquer les moyens et synchroniser les effets » et facilite pour l’attaquant de « verrouiller et fractionner » (CT 17, chiffre 5046). Ici, les solutions sont hétérogènes : une proposition attaque par le sud puis pivote vers la droite, ce que je qualifierais de non conventionnel. Cela ne doit pas nécessairement être un inconvénient tactique, car il s’agit de procédures auxquelles un adversaire ne s’est guère préparé. Dans le même temps, cependant, la coordination et, en particulier, la prévention des tirs amis peuvent s’avérer difficiles. Une solution consiste à attaquer depuis le nord-est. L’approche couverte à l’abri de la forêt semble attrayante, mais il faut également traverser la rivière, ce que j’éviterais personnellement. Enfin, la troisième attaque le long de la route depuis l’est, avec une section au sud et une autre au nord de la route. C’est certainement la variante la plus simple et la plus rapide, c’est pourquoi je la préfère. Cependant, une attaque depuis l’ouest aurait probablement rendu la défense encore plus difficile.

En ce qui concerne les égouts, toutes les propositions recommandent de les éviter. Il semble évident, et pas seulement au regard de Gaza, que le défenseur dispose ici d’un avantage considérable. Deux des trois propositions suggèrent toutefois d’inonder les égouts, par exemple en faisant appel aux pompiers civils. Cela me semble être une solution créative qui pourrait limiter efficacement l’adversaire. D’un point de vue technique, la faisabilité devrait être discutée avec un expert en incendie, mais même une immersion partielle devrait déjà gêner l’adversaire.

L’utilisation proposée des moyens de soutien peut être utilisée pour dissiper un malentendu courant. Une contribution remarque : « Mais dès que la première section est dans le village, la distance minimale de 600 m ne peut pratiquement plus être respectée ». Cela doit être clairement rejeté ; ces distances de sécurité s’appliquent aux tirs de combat. En cas de guerre, l’utilisation du mortier de 8,1 cm doit toutefois être acceptée à une distance nettement plus proche de ses propres troupes, en particulier si celles-ci sont protégées contre les éclats. Dans ce cas, il convient de tirer avec des tirs indirects jusqu’à ce que les mitrailleuses de 12,7 mm puissent agir directement, conformément au principe « le feu sur l’objectif d’attaque ne doit jamais cesser ». Il est urgent de reconnaître les prescriptions de sécurité en temps de paix comme telles et d’indiquer dans les règlements des distances de référence réalistes pour les décisions tactiques.

De nombreuses propositions ont été faites sur les autres points, en particulier les mesures d’urgence. Il me semble par exemple intéressant de consulter au préalable des personnes connaissant bien les lieux, d’appeler la population à fuir et l’ennemi à se rendre, d’interroger les fuyards (ce terme désigne notre propre population, par opposition aux réfugiés) et de se procurer les plans des bâtiments auprès des administrations.

J’ai pu trouver des éléments positifs dans chacune des trois contributions, mais je ne suis pas d’accord avec tous les points. En cas de doute, c’est la décision de base qui est déterminante pour moi et, à cet égard, je préfère l’approche du capitaine Robin Wehrle, qui consiste à envoyer une section au nord et une section au sud de la route depuis l’est. S’il accepte, en tant qu’officier d’appui-feu, de ne pas respecter les règles de sécurité pour les tirs de combat en situation de guerre, je suis entièrement d’accord avec lui. Je le félicite d’ores et déjà pour avoir remporté le livre « Combattre et vaincre en ville » de Frédéric Chamaud et Pierre Santoni.

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #14

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous reprenons d’abord le dernier scénario présenté ; ensuite, Florian Demont, docteur en philosophie et éthicien militaire à la chaire de conduite et de communication de l’Académie militaire de l’EPF Zurich, présente les recommandations d’action que nous avons reçues.

Jeu de décision de Leader’s Digest #14

Scénario

Le conflit qui couvait depuis longtemps avec le voisin du nord s’est intensifié et a donné lieu, il y a sept ans, à une attaque armée et à une invasion de la Suisse par les troupes adversaires. Nos troupes ont certes pu stopper l’avancée dans une première phase avec l’aide de partenaires et d’alliés – mais le front s’est progressivement durci et s’est transformé en une véritable guerre de tranchées. Les gains de territoire de l’adversaire augmentent presque quotidiennement. Il ne s’agit certes que de succès minimes – mais même de nombreux petits pas mènent un jour à la victoire…

Alors que le moral des troupes était élevé dans la phase initiale du conflit – tout le monde était prêt à s’engager pour la défense du pays – les signes d’usure sont désormais évidents chez les soldats et les cadres. La fatigue et la désillusion se répandent de plus en plus. Alors qu’au début, on croyait encore à la victoire et à la possibilité d’évincer rapidement l’adversaire des territoires conquis, cette croyance s’estompe de plus en plus.

 Le commandement de l’armée cherche désespérément des moyens d’améliorer les capacités de ses soldats. Bien avant le début de la guerre, des recherches actives étaient déjà menées dans le domaine de l’« human enhancement ». Une percée se dessine aujourd’hui. Ce qui ressemble à de la science-fiction est à portée de main : L’amélioration génétique de ses propres forces armées par l’administration de substances ; l’implantation de moyens de communication directement dans le corps des soldats ainsi que la possibilité d’améliorer de manière ciblée l’appareil locomoteur et musculaire de ses propres forces armées par des interventions chirurgicales. Ce qui ressemble à « Captain America » et « Wolverine » devient soudain une possibilité réelle. Les premiers essais sur et avec des volontaires le montrent : Si l’on dotait une partie significative de la troupe de ces capacités, une victoire serait possible dans les 12 mois à venir.

Bien entendu, cela soulève diverses questions éthiques. Jusqu’à quel point l’État peut-il empiéter sur les droits de la liberté et de la personnalité de l’individu lorsqu’il s’agit du soi-disant « objectif supérieur » : la protection de la population civile et la poursuite de l’existence de son propre État ? Dans quelle mesure peut-on obliger les soldats à mettre en œuvre ces nouvelles technologies sur eux ? Des centaines de personnes meurent chaque jour. Et maintenant, nous aurions la possibilité de mettre un terme aux tueries… Quelle est la décision éthiquement correcte ?

Le commandement de l’armée a décidé que ces moyens seraient utilisés à titre d’essai auprès de volontaires. Votre commandant de division vous a personnellement demandé, en tant que commandant compagnie au sein du bataillon d’infanterie 25, si vous étiez prêt à ce que cela puisse se faire dans votre compagnie d’infanterie avec 2 soldats par groupe (24 militaires au total). Une enquête préalable avait montré que votre compagnie comptait le nombre nécessaire de volontaires. Votre commandant de bataillon soutiendra l’initiative si vous vous engagez avec votre compagnie.

Vous pourriez opter pour trois programmes :

  1. Un médicament qui supprime complètement l’anxiété par dose pendant 24h et qui, selon les premières études, aide également à réduire les troubles post-traumatiques.
  2. Un stimulateur électromagnétique intégré dans le casque et capable de supprimer efficacement la fatigue pendant des jours (les effets secondaires n’ont pas encore été étudiés).
  3. Une modification génétique qui améliore la vision de nuit de 250% en permanence.

Questions

  • Pour laquelle de ces expériences donneriez-vous votre accord au sein de votre compagnie ?
  • En tant que commandant de compagnie, à laquelle des expériences participeriez-vous personnellement ?
  • Comment justifiez-vous votre décision ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #14

Le jeu de décision éthique #14 repose sur une thématique qui préoccupe actuellement fortement l’éthique militaire. Même si sans doute certains sont conscients des possibilités pharmacologiques pour améliorer les performances (plusieurs contributions ont mentionné le Pervitin comme exemple), des options technologiquement plus avancées, comme les exosquelettes, les interfaces cerveau-ordinateur ou les manipulations génétiques, sont moins présentes. Pourtant, ce sont toutes des possibilités que la DARPA a explorées ces dernières années. Ces options font également l’objet de débats éthiques militaires détaillés en France, en Angleterre, en Norvège et dans d’autres pays, avec déjà des premiers documents de position publiés.

Il est probable que des pays comme la Russie et la Chine explorent et testent également ces moyens d’amélioration et d’extension des capacités. Cependant, les cadres politiques, juridiques et éthiques y diffèrent de ceux des États-Unis ou de la France. Ainsi, cette thématique revêt aussi une dimension géopolitique qui influencera non seulement les conflits futurs possibles, mais aussi concrètement la justification, l’interprétation et le développement du cadre juridique international.

D’un point de vue juridique et éthique, il s’agit de concilier la nécessité militaire et la proportionnalité d’une part, et l’humanité comme valeur fondamentale d’autre part. Cependant, il existe souvent des tensions difficiles à résoudre pour les décideurs politiques et militaires. Cela commence par le fait que le droit international humanitaire régule les relations entre États en conflit tandis que les dispositions relatives aux droits humains s’appliquent toujours aux individus (qu’un conflit armé soit présent ou non). Le jeu de décision présentée par le capitaine aumônier Daniel Rohner soulève donc également la question cruciale de savoir si et dans quelle mesure les décideurs à différents niveaux possèdent les connaissances et compétences nécessaires pour gérer ces problématiques complexes – en tenant compte des évolutions globales et des tensions éthico-juridiques associées.

Parmi les six propositions soumises (un nouveau record !), certaines étaient meilleures que d’autres. Les meilleures propositions étaient étonnamment proches dans leur approche et contenu. En fin de compte, la proposition du premier-lieutenant Ralph Meier est la meilleure. Cette proposition se distingue par une réflexion éthique approfondie sur le sujet, une focalisation claire sur la responsabilité du commandant envers ses soldats et une argumentation structurée et convaincante. La prise en compte des conséquences potentielles à long terme est également un point fort justifiant cette évaluation.

Forces :

  • Analyse éthique approfondie : Le premier-lieutenant Meier identifie clairement les questions éthiques centrales comme l’autonomie, l’intégrité physique et le risque d’instrumentalisation des soldats.
  • Considération des conséquences à long terme : L’incertitude sur les effets à long terme de deux options est citée comme un argument central contre leur utilisation. L’impact positif de la suppression de la peur sur la santé mentale à long terme est également mentionné.
  • Forte responsabilité de commandement : L’auteur met en avant sa responsabilité envers le bien-être des soldats et justifie ses décisions depuis cette perspective.
  • Argumentation structurée et convaincante : L’analyse des options est clairement structurée, expose les avantages et inconvénients de chaque option et mène à une décision bien argumentée.
  • Référence aux principes fondamentaux : Le premier-lieutenant Meier souligne l’importance de ne pas sacrifier la dignité humaine même en temps de guerre.

Critiques :

  • Les aspects juridiques ne sont pas traités explicitement en détail, bien que les considérations éthiques impliquent souvent des questions juridiques (et vice versa).

Nous remercions tous les participants pour leurs contributions et félicitons le premier-lieutenant Ralph Meier pour avoir remporté le livre « Communicating for a Change ».

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #13

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois ; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Les recommandations d’action sont présentées par le lt col EMG Patrick Hofstetter, professeur de conduite et de communication, en accord avec son équipe de recherche de l’Académie militaire de l’EPF de Zurich.

Jeu de décision de Leader’s Digest #13

Scénario

C’est la guerre en EUROPE. Il y a quelques jours, l’adversaire a fait valoir des revendications territoriales pour la région de PETIT-BÂLE – RIEHEN. Actuellement, une manœuvre (déploiement) d’une division mécanisée ennemie a lieu entre ALTKIRCH – LÖRRACH – WEHR.

Ces derniers jours, des forces irrégulières ont mené plusieurs actions de sabotage ciblées sur des installations de recherche et de services à BASEL (peu de dommages collatéraux). En outre, elles ont attaqué des infrastructures civiles critiques (centre de distribution Coop PRATTELN, EW RHEINFELDEN) ainsi que le poste de commandement du bataillon d’infanterie 65 à MAISPRACH avec des armes d’infanterie et des armes antichars (RPG).

Les postes de douane de ST. LOUIS, WEIL, RHEINFELDEN et BAD SÄCKINGEN sont fermés. On constate une forte augmentation des passages illégaux de la frontière par le RHIN (1000 par semaine). L’OFAC soutient l’armée.

L’augmentation des réfugiés pousse à la violence des groupes d’autodéfense et alimente l’attitude négative des citoyens suisses à l’égard des réfugiés.

Adversaire

Possibilité d’évolution de la situation déterminante

L’adversaire peut, après avoir atteint l’objectif intermédiaire de la brigade RHEINFELDEN, pousser en 1h avec un bataillon mécanisé, une compagnie, 1 section de front en direction de MAGDEN et ensuite avec deux compagnies l’une à côté de l’autre 2 sections de front à travers MAGDEN, afin de décharger en 3 à 6h sa poussée principale le long de l’A2.

Autres possibilités de développement de la situation

L’adversaire peut, après avoir atteint l’objectif d’attaque AUGST, pousser en 2h avec un bataillon mécanisé, une compagnie, une section en front sur OLSBERG vers MAGDEN, afin de décharger en 1–2h sa poussée principale le long de l’A3.

Dans tous les cas, l’adversaire peut
  • (forces armées régulières) Préparer son assaut avec l’artillerie sans tenir compte de l’occupation civile ou des biens culturels;
  • (forces armées irrégulières, forces d’opérations spéciales) Au moyen de la propagande et/ou de la guerre psychologique, diriger les flux de réfugiés de manière à ce qu’ils évitent l’offensive principale et protègent son flanc, limitant ainsi notre mobilité;
  • (défense civile CH) Marquer sa présence dans la zone frontalière de RHEINFELDEN au moyen de patrouilles et de checkpoints.

Moyens propres

Vous commandez la 2e compagnie du bataillon d’infanterie 65 et avez subordonné les moyens suivants pour l’accomplissement de la mission :

  • 3 sections d’infanterie avec 4 groupes chacun. Celles-ci disposent chacune d’un char de grenadiers à roues (y compris 12,7 mitrailleuse distance d’engagement jusqu’à 1000m), 2 mini-mitrailleuses (distance d’engagement 600m), 4 RGW (arme antichar 200-300m) ;
  • 1 section de mortiers (y compris 4 mortiers 8,1cm distance d’engagement 4000m) ;
  • 2 équipes d’éclaireurs (4 éclaireurs par équipe, un fusil tireur d’élite 20+accessoires, distance d’engagement 800m et un appareil de conduite de tir à arc mortier 8,1cm).

En outre, vous recevez les moyens suivants :

  • 6 charges explosives cratère 88 ;
  • 10 NLAW (arme guidée antichar 400-600m) ;
  • 2 moyens mini UAV avec une durée d’engagement de 15′ par charge.

Votre compagnie est en service depuis des semaines. Depuis le secteur d’attente de LIESTAL, vous avez jusqu’à présent rempli des missions de stabilisation et terminé l’instruction liée à l’engagement. L’engagement à MAGDEN est donc le premier engagement de combat de la compagnie.

Mission

Vous venez de recevoir les ordres du commandant de bataillon et vous avez reçu la mission suivante :

  • La cp inf 65/2 tient le chaudron MAGDEN et empêche une poussée ennemie à travers MAGDEN, direction A2.

Les formations voisines ont reçu les missions suivantes :

  • La cp inf 65/1 bloque à RHEINFELDEN-EST et se tient prête à accueillir la cp 65/3.
  • La cp inf 65/3 exploite l’ennemi dans le secteur de RHEINFELDEN-OUEST, bloque le pont dans la vieille ville de RHEIFELDEN et se tient prête à détruire l’ennemi qui a fait une percée dans le RÖTIHOF ainsi qu’à protéger le flanc MÖHLIN en faveur du Bataillon mécanisé 14.
  • La cp inf appui 65 empêche l’ouverture du pont EW SALINE et EW RIBURG et appuie les compagnies d’infanterie avec des tirs d’arc.

Enivronnement

Délais de temps

Au cours des 12 prochaines heures, vous devez explorer le secteur d’engagement et présenter une première décision au commandant de bataillon dans le cadre du dialogue tactique. Les préparatifs de combat doivent être terminés dès la fin du dialogue tactique dans les 72 h suivantes et la compagnie doit être prête au combat.

Questions

  • Mettez-vous à la place de l’adversaire : comment prendriez-vous MAGDEN et le garderiez-vous ouvert pour les forces suivantes ?
  • Quelle est votre décision pour tenir MAGDEN et empêcher une poussée ennemie à travers MAGDEN en direction de l’A2 ?
  • Où et comment déployez-vous vos moyens antichars (articulation, espaces de feu, espaces de position) ?
  • Où et avec quels moyens canalisez-vous l’adversaire ?
  • Où planifiez-vous les espaces de feu pour le tir à l’arc et leurs espaces de mouvement ?

Une esquisse de décision est souhaitée et suffisante.

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #13

Deux solutions nous sont parvenues pour le Tactical Decision Game #13 ; il est probable que certains tacticiens soient encore en hibernation ou paralysés par les développements géopolitiques. Une chose est sûre : le bat méch 14 n’est apparemment pas concerné, car les deux solutions nous sont parvenues de cette formation. La question se pose maintenant de savoir si l’officier d’appui-feu ou le S2 de cette formation remportera le prix ? Les deux contributions sont d’ailleurs accompagnées de représentations impeccables, l’une d’entre elles ayant même été soumise sous forme de layer .milxlyz. Pour tous ceux qui ont encore un potentiel de développement tactique pendant leur temps libre : sur https://www.map.army/, chacun peut dessiner, enregistrer et partager ses layers. Idéal pour la préparation des cours de répétition et plus encore. Mais venons-en aux choses essentielles :

Tout d’abord, les deux solutions sont évaluées en fonction de leur complexité. La solution du S2 comprend sept pages, dont six illustrations (un layer rouge, une analyse du terrain, un layer décision de base, trois layers sur les trois phases de la décision). C’est un travail consciencieux et compréhensible. Cependant, la simplicité a aussi son importance. La solution de of AF comprend deux pages et un layer et répond également à toutes les questions, c’est pourquoi il remporte le premier point : 1:0.

L’analyse du terrain par l’of AF est également un argument en sa faveur, comme le montre la concentration des forces à l’ouest de la route principale. Il divise le terrain en quatre phases (LPh), bien que je recommande de parler de lignes de coordination (LC) en défense. En attaque, nous nous attendons à ce que les LPh soient traitées l’une après l’autre, phase par phase. En défense, nous devons cependant avoir une compréhension plus dynamique : nous pouvons peut-être retirer une section vers une LC, pour la réutiliser plus tard deux LC plus loin pour une contre-attaque. Les tirs de mortier ou l’exploration peuvent également être coordonnés à l’aide des LC, sans qu’elles soient traitées de manière séquentielle. Il convient de souligner que le S2 s’est procuré des cartes des bunkers historiques près d’ÄNGI, ce qui permet de visualiser non seulement la barrière antichar dans le fond de la vallée, mais aussi le fort d’infanterie et son contrefort sur les flancs. Il va sans dire que nous utiliserons ce type d’infrastructure de combat même lorsqu’elle aura été mise hors service. Pour cette idée, le S2 égalise à 1:1.

Ensuite, j’évalue la représentation ROUGE, qui est fondamentalement la même (depuis la région de RHEINFELDEN, avec au maximum une section en première ligne, avançant dans le chaudron de MAGDEN) : l’orientation de l’of AF concernant l’adversaire est claire en termes de forces, mais j’utiliserais le terme populaire de changement d’échelon avec plus de parcimonie. Deux changements d’échelons sur 2 km me semblent un peu trop de micro-management – de plus, une formation qui dépasse une autre n’est pas forcément un changement d’échelon (bien que le terme ou la différence puisse être défini à l’occasion). Le S2 souligne également dans sa présentation la menace sur les flancs (est-ce que j’ai entendu S2 ?), c’est pourquoi ce point lui revient également : 1:2.

Dans son intention même, l’of AF prévoit un déroulement simple : dans une première phase, une section use l’adversaire dans l’avant-terrain d’ÄNGI et deux sections se tiennent prêtes à bloquer côte à côte la périphérie de MAGDEN. Dans une deuxième phase, la section de l’avant-terrain se retire et bloque MAGDEN Est, de sorte que trois sections finissent par bloquer côte à côte. Les deux sections extérieures se tiennent également prêtes à lancer des contre-attaques par les flancs. La solution S2 prévoit également une section dans l’avant-terrain, en utilisant l’infrastructure de combat décrite ci-dessus. Le point d’appui centrale est alors effectué par une section sur la route principale, sur laquelle l’adversaire doit être canalisé. Il reste ainsi une troisième section derrière le point d’appui prête à effectuer des contre-attaques de flanc des deux côtés. Il n’est pas facile d’attribuer des points ici ; dans tous les cas, un total de 3 points doit être attribué pour la décision. En effet, la disposition du S2 d’une section dans l’avant-terrain me semble plus efficace (en exploitant les positions historiques), ce qui lui vaut un point supplémentaire ; 1:3. Cependant, l’utilisation en terrain urbain me semble plus appropriée dans la solution de l’of AF. La mise en place de deux sections côte à côte – et même de trois après le retrait de la section depuit l’avant-terrain – correspond au principe de « disloquer les moyens et synchroniser les effets ». De plus, il me semble plus facile d’effectuer des contre-attaques dans le cadre d’une demi-section avec les moyens de l’infanterie sur un terrain bâti que de les coordonner au niveau de la compagnie, comme prévu dans la solution du S2. Le rapport est donc de 2:3. Je donne un troisième point pour le choix d’un Killing Ground déterminé. Dans la solution de l’of AF, à partir de la périphérie de MAGDEN, un tel terrain n’est pas immédiatement évident pour moi. Il en va autrement pour le S2, où le point d’appui de MAGDEN n’est prévu qu’après 200 mètres dans le village ; une condition idéale pour bloquer l’adversaire sur la route principale – et cela correspond également à l’intention de canaliser l’adversaire sur cette route. Cela semble séduisant sur le plan psychologique et permet également d’accueillir un nombre suffisant d’adversaire. Je lui accorde un point supplémentaire, ce qui porte le score final à 2:4. Cette fois, le vainqueur aux points est le S2, le capitaine Raphael Iselin. The winner takes it all, mais il est prié d’emprunter le livre « Call Sign CHAOS – learning to lead » de Jim Mattis et Bing West à son camarade, le capitaine Robin Wehrle, lors du prochain service. Félicitations !

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #12

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois ; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Les recommandations d’action sont présentées par le lt col EMG Patrick Hofstetter, professeur de conduite et de communication, en accord avec son équipe de recherche de l’Académie militaire de l’EPF de Zurich.

Jeu de décision de Leader’s Digest #12

Scénario

La SUISSE est en guerre depuis plusieurs mois. Les combats ouverts se limitent à l’EST de la SUISSE, mais l’ensemble du territoire national est la cible d’actions d’espionnage et d’attentats. Ce sont surtout l’administration fédérale, les organisations internationales et les services publics qui sont touchés.

La situation est également instable en SUISSE ROMANDE. L’armée a pris la responsabilité de la zone dans les régions particulièrement menacées. C’est notamment le cas là où l’adversaire tente de nous entraver dans nos secteurs d’attente.

Dans la région de CHANCY, suite à un attentat avec un camion chargé d’explosifs, plusieurs bâtiments ont été endommagés et partiellement détruits, entre autres le poste de commandement de la compagnie d’infanterie 65/2 et la gare d’EPEISSES.

La principale conduite d’eau de la région a été endommagée lors de l’attentat et a inondé un parking souterrain, mettant en danger les moyens de transport réservés aux formations mécanisées.

Le poste de commandement du bataillon d’infanterie 65 à EPEISSES a été attaqué par les troupes d’un groupe terroriste, les ELTI, dans le chaos qui s’en est suivi. Le dépôt de munitions avancé a été touché et le bâtiment s’est effondré à l’ouest. Certaines routes ont été partiellement bloquées.

En réaction aux activités de l’ELTI, l’HeBü, une milice locale organisée de manière indépendante, a renforcé sa présence dans la région.

Adversaire

ELTI (ELBONIAN Tigers): Groupe terroriste

  • Arme de poing, quelques armes antichars
  • MANPAD
  • Charges explosives improvisées
  • Capacité à commettre des attentats, vol de matériel militaire

Irréguliers

ViHe (Vigilance Helvétique): Organisation paramilitaire comptant environ 200 membres dans la région

  • Armes de poing, notamment anciennes armes de l’armée (fusil d’assaut 90, fusil d’assaut 57, divers pistolets)
  • Gilets de protection achetés à titre privé
  • Matériel de barrage, en partie propriété privée, en partie des communes
  • Camions, camionnettes, minibus
  • Capacité à la recherche de renseignements auprès de la population en raison de l’ancrage local

Moyens propres

Vous commandez une compagnie de sauvetage :

  • 1 section de commandement
  • 3 sections de sauvetage
  • 1 section d’appui

La compagnie de sauvetage est équipée d’armes personnelles (fusils d’assaut et pistolets). Elles disposent d’un équipement technique composé de :

  • 3 assortiments de sections de sauvetage avec du petit matériel pour le sauvetage en décombres,
  • 2 assortiments d’intervention en décombres avec des moyens spécifiques pour le sauvetage en décombres,
  • 2 transporteurs d’eau et
  • 3 assortiments d’intervention en cas d’incendie avec un kilomètre de tuyau chacun.

Mission

La compagnie de sauvetage intervient dans le village d’EPEISSES (sauvetage de débris), protège et maintient (transport d’eau et lutte contre l’incendie) le mode de transport réservé.

Enivronnement

Le village d’EPEISSES est situé dans une cuvette de terrain. Il comprend une gare avec transport de marchandises, un dépôt de carburant (une citerne), un centre commercial ainsi que diverses infrastructures commerciales et résidentielles. Le village abrite également le poste de commandement du bataillon d’infanterie 65 ainsi que le poste de commandement de la compagnie d’infanterie 65/2.

Rapports de temps

Début de mission immédiat, durée prévue de la mission 48 heures

Questions

  • Comment procéderiez-vous pour le sauvetage ? Quels sont vos ordres ?
  • Quelles mesures prenez-vous contre l’ELTI ?
  • Comment réagissez-vous face à la ViHe ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #12

Deux propositions de solution ont été reçues pour le TMD#12, qui se distinguent sur un point essentiel, à savoir le traitement de la « HeBü ». Cette organisation fictive a été introduite dans le cadre méthodologique « LU-17 » et décrit des forces irrégulières qui ont tendance à être amicales envers la Suisse et donc envers l’armée. Dans le cadre d’exercices, la HeBü est décrite afin de sensibiliser la troupe au fait que chaque irrégulier ne représente pas automatiquement un adversaire. Compte tenu de l’importance des formations de volontaires dans la défense de l’Ukraine, la question se pose également pour la Suisse de savoir comment traiter les forces amicales mais irrégulières. Les deux solutions proposées avancent chacune des arguments crédibles, mais aboutissent à des conclusions différentes.

Le cap I. résume sa position en un paragraphe : « La collaboration devrait être réglée par la guerre déjà en cours dans les Rules of Behavior (RdB) et être connue du cdt cp. En Ukraine, les ‹ bataillons de volontaires › initiaux sont devenus une partie officielle des forces armées ukrainiennes en tant que ‹ Territorial Defense Forces ›. Après des mois de guerre, la Suisse aura elle aussi du mal à se passer de milliers de volontaires. C’est pourquoi je pars très fortement du principe qu’une collaboration sera autorisée. Pour une première et une deuxième phase, je ne veux dans la zone sinistrée que des militaires et des personnes directement concernées. Ainsi, la situation chaotique ne sera pas encore plus confuse et une éventuelle infiltration par ELTI sera plus difficile ». Il s’agit d’une utilisation différenciée de la ressource « HeBü ».

Le Lt M. exprime des préoccupations plus détaillées sur la question « Comment gérez-vous la HeBü ? »: « Leur attitude émotionnelle et énergétique est difficile à contrôler. […]. Une intégration des membres de la HeBü dans des activités d’aide civile en dehors de la zone centrale serait cependant à mon avis supportable. Autres justifications pour une prise de distance opérationnelle : l’armée a le monopole de la violence étatique, […] la HeBü est une organisation autoproclamée sans légitimation officielle […]. De plus, la HeBü a une structure de commandement peu claire, pas de procédures d’engagement standardisées et pas de communication sécurisée […]. Un niveau de formation inconnu […] ainsi qu’un risque potentiel de mise en danger de soi-même […] des loyautés peu claires de certains membres de la HeBü […] danger dans une fuite d’informations non souhaitée […] ».

Les deux auteurs abordent cette question de manière spécifique et différenciée. Il faut espérer que ces questions seront tranchées par le niveau de commandement stratégique avant une guerre en Suisse, afin que les commandants d’unité n’aient pas à se poser cette question.

Sur le fond, je partage la perspective du cap I. ; je considère qu’il est exclu de défendre la Suisse avec l’effectif actuel de l’armée sans intégrer des volontaires ou coopérer avec eux – la Suisse connaît de par son histoire des conceptions de ce type, il suffit de penser par exemple aux corps de défense locaux. Dans la réponse au TDG, j’accorde toutefois une plus grande valeur à la solution du lieutenant M., car il développe de manière très différenciée les problèmes liés à la gestion des irréguliers. Même ceux qui sont prêts à considérer la Hebü comme partenaire potentiel de l’armée ne peuvent pas éviter de prendre en compte les risques correspondants. De plus, le lieutenant M. a fait d’autres réflexions habiles dans sa solution, comme la demande de spécialistes et une décision claire sous forme de carte. Nous n’aborderons pas ces deux points ici, mais ils sont suffisants pour que le Lt Ralph Meier reçoive le livre « Positive Leadership » du Dr Markus Ebner, présenté dans la newsletter #12. Nous le félicitons chaleureusement.

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #11

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois ; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Dr. Florian Demont, éthicien militaire à la chaire de conduite et de communication, de l’Académie militaire de l’EPF de Zurich, rend hommage à la recommandation d’action qui mérite le plus d’être discutée.

Jeu de décision de Leader’s Digest #11

Scénario

La Suisse est en guerre. L’utilisation à grande échelle de drones pour la reconnaissance et comme moyen de combat est devenue une réalité dans les conflits récents et a également fait son entrée dans l’armée suisse. Les premiers essaims de drones destinés à repousser les essaims de drones adverses ont été testés et introduits avec succès. L’armée a toutefois continué de définir et d’imposer l’homme dans la boucle comme principe de base pour l’utilisation de systèmes autonomes.

Après des cyberattaques persistantes, l’adversaire a attaqué les stations radar d’altitude avec des missiles de croisière et les a en grande partie détruites. L’armée a pris des positions de défense dans l’Oberland zurichois et a installé des capteurs acoustiques et optiques de grande portée. Les troupes au sol proches du front ont résisté aux premiers raids aériens et aux attaques de drones. Il y a toujours des survols de drones de reconnaissance qui permettent des tirs d’artillerie à longue portée et l’engagement de drones de combat adverses sur des emplacements de troupes et des capteurs. Au cours des combats, des drones propres ont été utilisés pour repousser les drones de reconnaissance et de combat, en partie avec succès. Ces mesures ont toutefois entraîné la chute d’un gros drone de combat adverse au-dessus d’une zone habitée, ce qui a causé la mort de plusieurs civils.

La situation est désormais la suivante : Le poste de commandement de l’unité de front reçoit l’alerte selon laquelle un essaim de drones de taille moyenne est en approche. La trajectoire est fortement aléatoire, ce qui laisse supposer un pilotage autonome, basé sur l’IA, sans trajectoire prédéfinie. Le soldat responsable de l’engagement de ses propres essaims de drones avec fonction de recherche autonome par intelligence artificielle signale que les drones sont prêts à être engagés. Il sait toutefois, grâce à l’instruction, que la précision de visée de ses propres drones est parfois très différente. En même temps, la reconnaissance par drone signale que les troupes terrestres ennemies se préparent à une attaque.

Les mouvements de l’essaim de drones ennemis sont si imprévisibles que les capteurs ne fournissent que des vecteurs de vol imprécis et des cibles potentielles. L’utilisation de sa propre défense antiaérienne est problématique contre ces drones, car ils volent trop bas et de manière imprévisible. Une ligne rouge virtuelle marque le dernier moment à partir duquel des dommages collatéraux et des victimes civiles au sein de la propre population ne peuvent plus être exclus – et cette ligne rouge s’approche rapidement. Le déploiement de son propre essaim de drones pourrait causer des dommages collatéraux à la population civile dans les zones proches de la frontière.

Le commandant responsable de l’engagement de son propre essaim de drones est soumis à une pression massive pour agir. Il s’agirait du premier engagement d’un essaim de drones autonomes dans ce conflit par l’armée suisse. De plus, le commandant doit s’assurer qu’il est en mesure de repousser une éventuelle attaque au sol avec ses troupes.

Questions

  • Comment agiriez-vous en tant que commandant ?
  • Qui est responsable de l’utilisation des essaims de drones ?
  • Comment doit-on traiter le thème de l’intelligence artificielle, dans un contexte où d’autres ont pris l’homme-out-of-the-loop et misent sur l’autonomie totale des systèmes de combat ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #11

Nous avons reçu quatre participations au jeu de décision de novembre. Les solutions présentées montrent une réflexion approfondie sur la question tactique, éthique et aussi technique et illustrent la complexité de la problématique en question.

Le commandant est confronté à une décision complexe et multidimensionnelle. Comme l’ont souligné les participants, la situation comprend trois menaces qui, à première vue, semblent indépendantes les unes des autres : D’une part, l’essaim de drones de taille moyenne contrôlés par l’IA et dont la cible est inconnue, d’autre part, l’attaque par des troupes au sol. A cela s’ajoute un troisième danger, celui des dommages collatéraux potentiels pour la population civile.

La solution proposée par le cap Raphael Iselin se distingue par sa profondeur et sa clairvoyance. Il va au-delà de la simple prise de décision et analyse la situation en détail en tenant compte des points de vue technique, tactique et éthique. Sa structuration claire de différents scénarios et l’évaluation minutieuse de leurs conséquences sont particulièrement convaincantes. Ses réflexions ne tiennent pas seulement compte des nécessités militaires immédiates, mais aussi des conséquences à plus long terme qui peuvent résulter de l’utilisation de la technologie.

Il convient également de souligner la manière dont Iselin souligne la flexibilité de sa perspective. Au lieu d’être figé dans une décision rigide, il propose une approche qui peut être adaptée aux possibilités techniques des drones et à la situation tactique. La combinaison entre la retenue dans l’utilisation des drones jusqu’au « last responsible moment » et l’option d’utiliser les drones de manière ciblée pour la défense ou l’appui au sol montre un bon degré d’adaptabilité. Son approche différenciée des menaces et sa capacité à anticiper les conséquences potentielles, tant pour les civils que pour l’efficacité militaire, rendent sa proposition non seulement éthiquement justifiée, mais aussi tactiquement intelligente.

Enfin, Iselin convainc par ses arguments sur la responsabilité et les implications éthiques de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Sa position claire, selon laquelle la responsabilité doit être répartie le long d’une chaîne de commandement transparente, montre une prise de conscience de l’importance des normes juridiques et morales. Dans l’ensemble, Iselin ne propose pas seulement une solution, mais un concept entièrement réfléchi qui répond aux défis de la guerre moderne avec intelligence et intégrité. Grâce à cette combinaison de détails, d’approche innovante et de clarté morale, nous lui décernons à nouveau un exemplaire de « The Five Dysfunctions of a Team » de Patrick Lencioni. Nous remercions tous les participants pour leur participation active et leurs envois stimulants.

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Leader's Digest Leader's Digest #10 Newsletter

Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #10

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois ; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Les recommandations d’action sont présentées par le lt col EMG Patrick Hofstetter, enseignant de conduite et de communication à l’Académie militaire de l’EPF de Zurich.

Jeu de décision de Leader’s Digest #10

Scénario

La guerre fait rage en Europe. La Suisse s’est préparée depuis des semaines à une invasion imminente et est restée pour l’instant indifférente, mais il y a quelques jours, l’offensive ennemie sur BÂLE est devenue réalité. Des points d’appui proches de la frontière, au nord de notre bataillon, ont déjà pu infliger de lourdes pertes à l’ennemi. Il s’agit maintenant d’empêcher l’adversaire de poursuivre son avancée.

Adversaire

Après la défaite de l’attaque au nord, l’ennemi se réorganise et tentera dans quelques jours une nouvelle offensive avec des forces fraîches. Nous attendons pour notre région un bataillon mécanisé ROUGE (3x groupement tactique mécanisé) comme élément de pointe.

1 groupement tactique mécanisé ROUGE

  • 1 section de chars de grenadiers à roues + 1 moyen de déblaiement
  • 1 section de grenadiers de chars + 1 moyen de déblaiement
  • 1 section de commandement + 2 chars de grenadiers
  • 1 section de chars de combat + 1 moyen de déblaiement
  • 1 section d’éclaireurs

Moyens propres

Le moral des troupes est bon et elles sont confiantes grâce aux succès remportés dans le nord. Le bataillon d’infanterie de montagne 91 a maintenant été mis à contribution pour former un poids lourd dans la région de BÂLE. Il ne reste que quelques jours pour effectuer les préparatifs de combat et mettre en place le dispositif de défense.

La compagnie d’infanterie de montagne 91/2 est renforcée à cet effet avec une section lance-mines 8,1 cm et une section d’éclaireurs.

Les formations voisines, les compagnies 1 et 3, ont pour mission de canaliser l’adversaire en direction du carrefour 9123 et d’empêcher un flanquement par leur secteur respectif.

Mission

La cp inf mont 91/2 (+) empêche une poussée à travers son secteur.

Enivronnement

La population du centre de la ville de BÂLE a été évacuée en grande partie. Utilisez éventuellement www.map.geo.admin.ch pour vous faire une idée plus précise ; le carrefour central est la BURGFELDERPLATZ.

Rapports de temps

La plupart des carrefours sont reliés par une canalisation marchable. Le temps de déplacement sur 500m est d’environ 10 min.

Questions

  • Comment avez-vous positionné vos sections ?
  • Quelle mission avez-vous donnée à vos sections ?
  • Comment assurez-vous la résistance de vos troupes ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #10

Nous avons reçu quatre réponses au jeu de décision du mois d’octobre – un formidable retour sur un problème tactique, avec un résultat réjouissant : quatre solutions compréhensibles avec de vraies variantes.

Toutes les solutions ont en commun diverses considérations sur le repositionnement de la section de lance-mines, l’utilisation des canalisations, l’entraînement de contre-assauts, la création de dépôts de munitions, etc. Même si ces aspects créent des conditions favorables importantes, ils ne seront pas discutés ici. Il s’agit tout simplement de mettre en œuvre les anciens standards de l’Armée 95 ou les connaissances acquises au cours des deux dernières années. C’est pourquoi je me concentre dans l’évaluation sur la répartition des trois sections d’infanterie.

Pour mieux comparer les différences, il convient de formuler leur disposition spatiale du nord au sud et l’idée de combat correspondante.

La première solution « ALFA » (dans l’ordre de la soumission) présente un schéma 1 – 2 : Une section use l’adversaire à l’avant-terrain jusqu’au carrefour 9123 et se retire ensuite en tant que réserve de compagnie ; au sud du carrefour, deux sections usent l’adversaire l’une à côté de l’autre et ne l’arrêtent que relativement profondément dans notre propre secteur, à la hauteur de BRAUSEBAD–SPALENTOR.

La deuxième solution « BRAVO » prévoit 1 – 1 – 1, les trois sections l’un derrière l’autre menant la chasse dans l’espace qui leur est attribué.

La troisième solution « CHARLIE » prévoit 2 – 1 avec deux sections formant deux points d’appui côte à côte en première ligne et une troisième section en réserve de compagnie pour la conduite de combat mobile.

La quatrième solution « DELTA » est un 1 – 1 – 1 côte à côte, avec la section centrale qui barre le carrefour 9123 et une section sur chaque flanc (dont celle de droite avec responsabilité spatiale pour l’usure sur l’avant-terrain).

Parmi les quatre variantes, je me prononce personnellement pour ALFA. Je partage l’avis que les conditions sont meilleures dans la profondeur de notre propre espace que dans l’espace du carrefour 9123. Si j’y prévoyais mon point d’appui central, il serait relativement facile pour l’adversaire de l’attaquer de manière concentrique : De ce point de vue, la protection des flancs de la solution DELTA est compréhensible et j’aime particulièrement le fait que l’adversaire se voit présenter trois sections côte à côte. Ainsi, il est obligé de se disperser ou de négliger des sections à partir desquelles je peux mener des contre-assauts. Cependant, le risque me semble trop élevé si loin devant. Là, l’adversaire a la possibilité de se disperser et d’agir ensemble le long d’au moins deux et jusqu’à quatre axes sur le carrefour principal. La solution CHARLIE présente à mon avis un problème similaire. La juxtaposition de deux points d’appui me semble très efficace – mais ici aussi trop en avant. BRAVO est certainement innovante en ce sens qu’au lieu de la solution des points d’appui prévue par la doctrine de l’infanterie, elle mise sur le combat de chasse avec responsabilité spatiale pour les trois sections. Côte à côte, je donnerais encore une certaine chance à cela, mais en les plaçant l’un derrière l’autre, je permets à l’adversaire de concentrer sa force sur une seule section à la fois – je transforme ma propre compagnie en salami. En revanche, ALFA utilise d’une part la profondeur de son propre espace. L’étalement des routes vers le sud à partir du carrefour 9123 entraîne automatiquement un étalement des forces de l’adversaire – ou, s’il se concentre, un espace de mouvement pour mes contre-assauts et même contre-attaques. Dans les deux cas, je peux en tirer des avantages, soit pour un combat plus statique, soit pour un combat plus dynamique. Cependant, je ferais cela de manière encore plus cohérente et j’alignerais les trois mouvements l’un à côté de l’autre, par exemple sur la ligne ALLSCHWILERPLATZ–POINT 276 (ou BRAUSEBAD)–SPALENTOR. Le propre avant-terrain peut être laissé en toute confiance à la section d’éclaireurs qui, avec ses six groupes, reconnaît dans une première phase l’effort principal de l’adversaire et, dans une deuxième phase, dès que l’adversaire est arrivé sur la ligne des points d’appui, use l’adversaire et dirige les tirs de lance-mines sur l’adversaire stoppé et donc forcé de débarquer.

La solution ALFA me semble tenir compte en grande partie de ces points de vue. En outre, il est tout à fait possible d’argumenter que l’adversaire limite son action aux axes principaux en direction de BRAUSEBAD et de SPALENTOR, ce qui permet à la troisième section d’utiliser le secteur ALLSCHWILERPLATZ pour les contre-attaques, ce qui correspond alors parfaitement à la solution ALFA. Dans tous les cas, l’auteur, le cap Robin Wehrle, a bien mérité son prix : Nous le félicitons pour sa victoire et un exemplaire de « How to Think Like an Officer » de Reed Robert Bonadonna.

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Leader's Digest Leader's Digest #9 Newsletter

Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #9

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Les recommandations d’action sont présentées par dr. phil. Florian Demont, collaborateur scientifique des études conduite et communication de l’Académie militaire de l’EPF de Zurich avec une spécialisation en éthique militaire.

Jeu de décision de Leader’s Digest #9

Scénario

Croyance et savoir

Peu avant midi, le premier-lieutenant Güldenstern était assis, recroquevillé, sur le sol poussiéreux de l’arrière-cour, enfermé entre la façade d’un café désaffecté et le mur austère d’une boulangerie. Depuis trois mois que les combats ont atteint le village, le quartier était à l’arrêt, enveloppé dans les ombres d’un passé que le propriétaire étranger du café avait emporté avec lui dans son pays. Le premier lieutenant, les jambes serrées contre lui, les coudes lourds sur ses genoux, cachait son visage dans ses mains. Ses cheveux, bien qu’encore à moitié peignés, portaient des traces de négligence – un témoignage silencieux de la normalité perdue.

Absorbé, il ne remarqua pas que la jeune femme, une employée de la boulangerie, se faufilait silencieusement dans la cour, une cigarette entre les lèvres. Le craquement soudain d’un briquet Zippo brisa le silence. Surpris, il releva la tête, son regard se posa sur la femme qui, d’un geste insouciant, lui offrit une cigarette. « Tu veux en fumer une avec moi ? », demanda-t-elle, sa voix contrastant doucement avec le poids de ses pensées. Fatigué, épuisé, il fit signe que non, mais à sa question suivante, à savoir si cela le dérangeait qu’elle s’assoie avec lui, il répondit par un signe de tête fatigué.

Tandis qu’elle s’installait à côté de lui, une conversation s’engagea sur la situation de la guerre, ses mots coulant avec un mélange d’espoir et de résignation. « Après cinq jours sans combats, sans bombes et sans tirs de mines – peut-être que le pire est passé. Je pense que le pire est passé », réfléchit-elle en tirant profondément sur sa cigarette. « J’envisage de fuir vers l’intérieur du pays, comme tant d’autres. Mais mon patron veut continuer à faire tourner la boulangerie. Vous avez repoussé les dernières attaques, cela me donne de l’espoir ».

Le premier-lieutenant, les yeux grands ouverts dans l’obscurité de la cour, secoua lentement la tête. « Je ne sais pas », avoua-t-il, la voix rauque d’inquiétude. « Je crains que le prochain coup ne soit imminent. Notre force de frappe est tombée à trente pour cent. Nous avons perdu trop de monde… trop de morts… et nous n’avons presque plus de munitions ».

La jeune femme a tiré pensivement sur sa cigarette, a écarté ses cheveux de son visage, puis a laissé échapper en passant que Mme Leuzinger, l’institutrice de maternelle, avait succombé hier à ses blessures après cinq jours. « Elle allait chercher du matériel à l’école maternelle quand l’attaque a eu lieu. Un obus de mortier… » Sa voix s’est brisée. « C’est grave ce que nous vivons ».

« Mme Leuzinger ? », répéta doucement le premier-lieutenant. Lorsqu’elle acquiesça, il baissa la tête. « Oui, c’est grave. Parfois, je me demande si tout cela a encore un sens ».

Elle le regarda droit dans les yeux, les yeux fermement décidés. « Vous vous êtes battus avec courage jusqu’à présent. Nous devons croire en nous ».

Il fixa le vide. « Plus la foi est grande, plus la connaissance est faible », finit-il par murmurer. « Et je ne sais vraiment pas si nous pouvons encore arrêter l’ennemi ».

Dans cette arrière-cour, entourée des fantômes d’un café au repos et de la noirceur de la guerre, ne couvaient pas seulement les braises de leurs cigarettes, mais aussi les dernières braises de l’espoir – lugubres et incertaines.

Être humain

Le premier-lieutenant Güldenstern était assis dans sa chambre lugubre de l’auberge de la Croix-Blanche, entouré de papiers éparpillés et de l’iPad brisé qui lui servait de dernier lien avec le monde extérieur. L’écran, criblé de fissures, reflétait la réalité éclatée de son commandement. Les messages qu’il déchiffrait péniblement émanaient du chef des opérations du bataillon, le major Kramer, qui ne connaissait pas la douceur dans sa voix lorsqu’il avait réprimandé Güldenstern lors d’un récent appel téléphonique cinglant.

« Güldenstern, ne remets pas en question ta mission maintenant. Tu as un ordre, et cet ordre est que ta compagnie barre l’axe. Et ce jusqu’au dernier homme. Bon sang ! Pas un pas en arrière », avait ordonné Kramer avec force, comme si la détermination de ses mots suffisait à elle seule à faire plier la réalité. « Soyez un peu créatif, bon sang ! » Cet ordre résonnait désormais dans l’esprit de Güldenstern tandis qu’il regardait les rues désertes par la fenêtre.

Dehors, la vie continuait, même si pour certains c’était une vie de fuite. Un père remplissait sa Skoda de valises, tandis qu’une petite fille apportait un gros ours en peluche, témoin muet de la déchirure qui régnait en ces lieux. La mère, le visage marqué par les pleurs, portait un autre enfant. Güldenstern les regarda finalement s’éloigner vers ce qu’il pensait être un environnement plus sûr à l’intérieur des terres.

De retour dans la solitude de sa chambre, Güldenstern commença à s’interroger sur le sens de sa mission. Les exigences du Major Kramer de garder l’axe à tout prix résonnaient à ses oreilles tandis qu’il relisait sa dernière correspondance. Les perspectives étaient sombres ; l’ennemi semblait se renforcer et ses propres ressources s’amenuisaient à vue d’œil. « Je me fous de tout le reste », avait dit Kramer. Mais pour Güldenstern, ce n’était pas le cas. Les victimes, les combats, les petites et grandes tragédies – tout cela n’était pas sans importance.

Dans un moment de silence, interrompu seulement par le crépitement du vieux parquet sous ses pieds, Güldenstern a senti le poids de la responsabilité. Il savait que chaque ordre qu’il donnait avait le potentiel de coûter ou de sauver des vies. Les doutes qui commençaient à naître en lui étaient subtils, mais dans le silence de sa chambre, ils devenaient plus forts. Combien de temps encore pourrait-il mener un combat utile si les conditions étaient si désespérées ? Quand le point serait-il atteint où la défense ne serait plus seulement une tâche militaire, mais une question d’humanité ?

Il prit le téléphone, déterminé à parler une nouvelle fois à Kramer, même s’il savait que cela ne changerait pas grand-chose. Mais à cet instant, il hésita. Son regard se posa à nouveau sur la fenêtre par laquelle il avait vu la famille s’éloigner. La décision de se battre ou non était plus qu’une simple question tactique ; c’était une question éthique qui touchait au cœur même de ce que signifiait suivre les ordres tout en étant humain.

Güldenstern prit une profonde inspiration et raccrocha le téléphone. La nuit tombait, et avec elle l’incertitude. Mais dans cette incertitude, il y avait aussi une sorte de clarté. Peut-être, pensa-t-il, le véritable défi n’était-il pas de tenir l’axe, mais de décider quand le prix de la défense devenait trop élevé.

Vérité

A 6 heures précises, comme chaque matin, à moins que les circonstances de la guerre ne l’empêchent, le premier-lieutenant Güldenstern prenait une douche froide. Mais avant ce rafraîchissement matinal, il effectuait une course de 45 minutes et quelques exercices physiques à l’aube. Ces rituels quotidiens n’étaient pas seulement une question d’hygiène corporelle pour lui, mais constituaient un solide rempart contre le chaos ambiant. Ils lui donnaient le sentiment d’une certaine normalité, d’un ordre dont il avait désespérément besoin pour faire face aux déchirements du monde en dehors de son poste de commandement. Grâce à cette routine, il se donnait la force d’affronter les imprévus de la journée.

Après la course et les exercices, toujours sous la douche froide, Güldenstern réfléchissait à ce qu’il annoncerait au rapport de compagnie, prévu dans moins de deux heures. Il espérait vivement de bonnes nouvelles du Major Kramer, que les renforts promis étaient enfin en route. Mais lorsqu’il est retourné dans sa chambre après la douche pour prendre son petit-déjeuner spartiate – trois œufs légèrement cuits et une tasse de café filtre -, il n’a rien trouvé d’encourageant sur son iPad. Pas de nouvelles du bataillon, juste la confirmation sinistre par les éclaireurs et les services de renseignement qu’une attaque ennemie était attendue dans les 36 heures. Les ordres n’avaient pas changé, la pression restait inchangée.

A contrecœur, il ouvrit quelques journaux en ligne, un rituel dont il avait presque perdu l’habitude. Les gros titres parlaient de la fuite de la population civile vers l’intérieur du pays, d’attaques imminentes et de crimes de guerre présumés commis par l’ennemi. Les politiciens lançaient des slogans d’endurance et les habituelles histoires héroïques de soldats suisses combattant courageusement – des récits que Güldenstern trouvait désormais plus cyniques qu’inspirants.

Il ferma l’iPad d’un geste presque résigné. Les nouvelles ne changeaient rien à la réalité de sa compagnie, rien à la pression immédiate que ses hommes ressentaient et rien à l’espoir qui s’amenuisait et qu’il voyait chaque jour dans leurs yeux. Güldenstern avait réalisé que son monde, la petite portion de réalité dont il était responsable, était le seul domaine sur lequel il pouvait agir. Tout le reste n’était que du bruit qui le détournait de sa véritable mission.

D’un pas ferme et avec un lourd fardeau sur les épaules, il s’est mis en route pour le rapport. Là, il ferait face à ses hommes qui attendaient d’être guidés et d’avoir de l’espoir, même si les deux étaient de plus en plus difficiles à faire passer. Güldenstern savait qu’il leur devait la vérité, aussi sombre soit-elle.

Un devoir envers qui ?

Le rapport de la compagnie d’infanterie commença à 8 heures précises dans le poste de commandement de fortune, au fond du sous-sol d’une ancienne fonderie. Le propriétaire, lui-même ancien sergent, avait mis cet endroit à disposition et apportait son soutien autant qu’il le pouvait. Dans les salles froides et remplies d’échos, le premier-lieutenant Güldenstern s’est adressé à ses officiers. « Prenez place, messieurs », dit-il d’une voix censée projeter la force, mais marquée par le poids des responsabilités.

Il fit le point sur la situation alors que les regards mornes de ses chefs de section étaient assis en face de lui. « La mission reste la même. Nous devons bloquer l’axe et empêcher une percée ennemie ici », expliqua Güldenstern, mais le scepticisme dans les yeux de ses hommes était évident.

Le lieutenant Rohner, visiblement tendu, rompit le silence. « Güldenstern, allons-nous recevoir des munitions ? Allons-nous recevoir des renforts ? Comment allons-nous défendre ici, comment allons-nous bloquer ici ? Je n’ai plus d’hommes. Ma section est encore composée de neuf soldats ».

Güldenstern réfléchit un instant, un lourd soupir lui échappa. « Oui, nous allons diviser un peu les soldats. Nous devons équilibrer les trains ». Mais lorsqu’il commença à exposer ses plans pour redistribuer les soldats restants, tous réalisèrent l’absurdité de la situation. Steffen, l’un des officiers les plus expérimentés, a secoué la tête avec résignation. « C’est absurde, Güldenstern. Nous pouvons faire tous les allers-retours que nous voulons. Nous pourrions même armer l’équipe de cuisine, mais à quoi bon ? »

Le lieutenant Zysset ajouta, mi-plaisant, mi-désespéré : « Nous trouverons peut-être quelques personnes dans le village pour nous aider à nous défendre. Peut-être que quelqu’un a encore un fusil d’assaut chez lui ».

Güldenstern passa son pouce et son index sur ses yeux fermés et garda le silence un moment. « Nous avons un ordre, une mission », dit-il finalement, les mots ayant un goût amer dans sa bouche.

Steffen y répondit, la voix pleine d’inquiétude : « Mais à quoi bon si nous ne pouvons pas remplir la mission ? Si nous savons que nous ne pouvons pas remplir la mission ? Tout ce que nous faisons, c’est gaspiller des vies. Pour quoi faire ? »

C’est à ce moment que le plus jeune des officiers, le lieutenant Bregi, a pris la parole. Sa voix était ferme, imprégnée d’une détermination presque naïve. « Messieurs, nous avons un devoir. C’est notre devoir de nous battre. Quoi que cela veuille dire. Jusqu’à la dernière goutte de sang. Nous le devons à notre patrie ».

Le silence qui suivit fut écrasant. Tous les regards se tournèrent vers Güldenstern, qui cherchait les mots justes. Finalement, il posa une question dans la salle, une question qui semblait plus s’adresser à lui-même ou à une puissance supérieure qu’à ses hommes. « Jusqu’à quand la défense est-elle éthiquement acceptable ? Jusqu’à quand le combat est-il encore éthiquement justifiable ? Jusqu’à quand est-il éthique de faire des sacrifices ? À qui sommes-nous redevables ? A nos supérieurs ? À nos semblables ? À notre conscience ? »

Puis il se leva, sa silhouette quelque peu courbée sous le poids de ce fardeau invisible. « Messieurs, je dois me retirer. Réunissons-nous à nouveau dans une heure. J’ai besoin de temps pour moi ». Sur ces mots, il a quitté la pièce, laissant ses officiers dans une atmosphère d’incertitude et de doute.

Questions

  • Jusqu’à quand la défense est-elle éthiquement acceptable ?
  • Jusqu’à quand le combat est-il encore éthiquement justifiable ?
  • Jusqu’à quand est-il éthique de faire des sacrifices ?
  • À qui sommes-nous redevables ? A nos supérieurs ? À nos semblables ? À notre conscience ?

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #9

Nous avons reçu quatre participations au jeu de décision de septembre. Les solutions présentées montrent une réflexion approfondie sur la question morale et politique et illustrent la complexité de la problématique en question.

Le premier-lieutenant Güldenstern est confronté à un dilemme moral classique : il doit décider s’il exécute un ordre militaire qui met en jeu la vie de ses soldats ou s’il refuse d’exécuter l’ordre, ce qui lui cause des difficultés considérables sur le plan personnel (cour martiale, honte) et collectif (échec militaire). Il s’agit de mettre en balance l’obéissance et la responsabilité morale, notamment au regard des principes éthiques qui concernent la protection de la vie et le devoir d’accomplir une mission militaire.

Principes et théories éthiques

L’analyse éthique peut s’appuyer sur différents fondements théoriques, dont deux approches principales :

  • La théorie traditionnelle de la guerre juste et le droit international qui en découle offrent un cadre normatif clair pour la guerre, dans lequel des principes tels que la proportionnalité, le dernier recours et l’autorité légitime jouent un rôle central. Selon cette approche, Güldenstern a le devoir d’obéir aux ordres de ses supérieurs tant que ces principes ne sont pas manifestement violés.
  • Les approches révisionnistes comme celle de Jeff McMahan remettent en question ces hypothèses traditionnelles et soulignent que les soldats individuels ont le devoir moral de remettre en question les missions et les ordres et d’évaluer s’ils sont justifiés. L’accent est mis ici sur la responsabilité morale individuelle, même dans des structures hiérarchiques, ce qui signifie que Güldenstern, malgré son grade et ses obligations, pourrait éventuellement arriver à la conclusion que le refus s’impose sur le plan éthique.

Légitimité morale et politique

Une tension éthique centrale existe entre la légitimité morale et la légitimité politique. La légitimité politique renvoie à la reconnaissance d’ordres et de structures découlant d’un mandat politique établi à l’issue de processus démocratiques légitimes. La légitimité morale est centrée sur la protection de valeurs éthiques fondamentales telles que la dignité humaine. Pour Güldenstern, la question est de savoir si son ordre de défendre l’Axe à tout prix est moralement légitime, même s’il est couvert politiquement et institutionnellement. Güldenstern a-t-il le droit moral ou même le devoir de faire passer sa propre autonomie avant les missions et les ordres de l’institution afin de protéger la vie de ses soldats ?

Hiérarchie et discipline militaires

La hiérarchie militaire représente une restriction structurelle de l’autonomie individuelle. Güldenstern fait partie d’un système qui exige discipline et fidélité aux ordres. Il est possible qu’il doive accomplir des actes immoraux parce que le système les exige de lui. Mais une décision consciente de désobéir à un ordre l’expose à des conséquences personnelles considérables, comme le risque d’une cour martiale.

D’un point de vue hypothétique : Que se passe-t-il si Güldenstern désobéit à un ordre ?

  • Scénario 1 : La compagnie se retire, ce qui pourrait sauver de nombreuses vies (de soldats), mais cela pourrait conduire à un échec militaire et Güldenstern pourrait être condamné pour avoir désobéi aux ordres.
  • Scénario 2 : Güldenstern suit l’ordre, ce qui entraîne de lourdes pertes parmi les soldats. De plus, la mission militaire ne sera probablement pas remplie. La question reste de savoir si une telle mission suicide serait moralement défendable.

Le courage moral

Une autre dimension est le courage. Güldenstern pourrait prendre la décision de refuser l’ordre par courage moral, même s’il sait que cela pourrait avoir de graves conséquences pour lui. La question est de savoir s’il est justifiable de prendre des risques personnels pour faire ce qui est juste, si cela peut protéger la vie d’autres personnes. On peut se dire qu’il ne s’agit pas d’un dilemme éthique, mais simplement d’une question de personnalité et d’exemple.

Perspective des soldats

Les soldats de Güldenstern, comme le lieutenant Bregi, sont confrontés à des questions éthiques similaires. Doivent-ils le suivre, même s’ils remettent en question le bien-fondé de l’ordre de Güldenstern ? La théorie révisionniste de la guerre juste souligne que même les grades inférieurs ont la responsabilité morale de vérifier les ordres. Cela soulève la question de savoir dans quelle mesure il est réaliste que les soldats puissent effectivement mettre en œuvre ces considérations éthiques dans des situations de stress. En outre, on peut se demander si les soldats respecteront les ordres de supérieurs qui ne respectent pas eux-mêmes les missions et les ordres.

Stress, émotions et incertitude

Les défis pratiques liés à l’application des principes éthiques dans des situations militaires extrêmement stressantes ne doivent pas être sous-estimés. Les émotions, le stress et l’incertitude de la situation peuvent considérablement entraver la capacité à mener une réflexion éthique rationnelle. Dans un contexte militaire où les décisions doivent être prises dans des situations extrêmes, la mise en œuvre de théories éthiques abstraites comme celle de la guerre juste peut être difficile, voire impossible, même si cela a été entraîné dans une certaine mesure.

Influence de l’opinion publique

Güldenstern et ses soldats pourraient être influencés par les médias civils et l’opinion publique. La pression d’être perçu comme un « héros » ou l’attente de défendre la patrie pourraient influencer considérablement la prise de décision. Ces influences externes rendent difficile la distinction entre les décisions éthiquement correctes et celles qui sont déformées par les attentes sociales. En outre, dans une démocratie, l’opinion publique a une influence sur ce qui peut être considéré comme politiquement légitime ou non, même en temps de guerre. Il ne faut pas oublier que Güldenstern et ses soldats sont des citoyens en uniforme.

Conséquences à long terme : Blessures morales et traumatismes

Quelle que soit la décision de Güldenstern, son choix pourrait entraîner des blessures morales (moral injuries) et des traumatismes à long terme, tant pour lui-même que pour ses soldats. S’il suit l’ordre et qu’un grand nombre de ses hommes meurent, il pourrait en résulter de profondes blessures. Mais la décision de désobéir aux ordres pourrait également avoir de graves conséquences sur la possibilité d’une réinsertion psychologique et sociale après la guerre, car les soldats sont souvent confrontés à des sentiments de culpabilité et à des conflits intérieurs lorsqu’ils ne répondent pas aux attentes ou ont l’impression d’avoir été abandonnés par l’échelon supérieur.

Considération finale ouverte

L’analyse éthique de ce dilemme ne débouche pas sur une recommandation d’action simple ou claire. La décision de Güldenstern est finalement mise en balance entre le respect de la discipline militaire, la préservation de son intégrité morale et la protection de la vie de ses soldats. Les théories morales fournissent une orientation, mais leur application dans des contextes militaires réels et stressants comme celui-ci reste un défi. Concrètement, les décideurs militaires doivent faire face au fait qu’il existe des situations dans lesquelles ils n’ont que de mauvaises options. Et devoir choisir entre de mauvaises options dans des situations extrêmes conduit aux limites de l’être humain.

La recommandation d’action du premier-lieutenant Wehrle se distingue à cet égard des autres analyses, car il ne se contente pas d’éclairer les dilemmes éthiques de manière différenciée, mais donne également des instructions d’action concrètes qui sont réfléchies tant sur le plan éthique que pratique. Alors que d’autres analyses proposent certes des réflexions éthiques fondées, Wehrle reste le seul à présenter une solution claire. Il propose que Güldenstern analyse à nouveau la situation, prenne contact avec le commandant du bataillon et, si nécessaire, prépare la retraite. Cette consigne d’action tient compte à la fois des obligations éthiques supérieures envers les supérieurs, les subordonnés et les civils, ce qui rend sa solution particulièrement convaincante. En comparaison, les autres recommandations se limitent trop à l’analyse de la problématique, sans offrir d’issue concrète.

Sur le plan du contenu, l’approche de Wehrle brille par son évaluation réaliste de la situation et par le lien clair qu’elle établit entre les principes éthiques et la faisabilité pratique. Il convient de souligner qu’il intègre les différentes responsabilités de Güldenstern – vis-à-vis de ses supérieurs, de la compagnie et de la population civile – de manière équivalente et responsable dans le processus de décision. Ses propositions concernant la communication avec les supérieurs et la préparation d’un retrait ordonné montrent une grande sensibilité vis-à-vis des conséquences possibles de la décision. De ce fait, la solution de Wehrle n’est pas seulement éthiquement fondée, mais aussi réaliste et réalisable dans la pratique, ce qui la distingue des autres analyses. C’est avec plaisir que nous lui remettons un exemplaire de « Xenophon’s Cyrus the Great – The Arts of Leadership and War » de Xenophon, avec l’éditeur Larry Hedrick, et que nous remercions tous les participants pour leurs contributions stimulantes.

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Jeu de décision et recommandations d’action de Leader’s Digest #8

Les jeux de décision de Leader’s Digest doivent inciter les abonnés de cette newsletter à de se mettre – dans le cadre de scénarios – dans le rôle de personnes qui se trouvent confrontées à des défis éthiques ou tactiques.

Nous commençons par répéter le scénario présenté la dernière fois; ensuite, nous présentons une appréciation des points les plus importants à discuter. Les recommandations d’action sont présentées par le lt col EMG Patrick Hofstetter, enseignant de conduite et de communication à l’Académie militaire de l’EPF de Zurich.

Jeu de décision de Leader’s Digest #8

Scénario

Vers 1100 : à peine arrivée à 30′ dans le secteur d’attente de BERN-BETHLEHEM, votre compagnie (cp gren pz 14/3) reçoit du commandement du bat méc 14 l’annonce que l’ennemi a percé la ligne de front dans le JURA à plusieurs endroits et qu’il a déjà atteint avec ses pointes de reconnaissance le PIED SUD DU JURA à NEUCHATEL il y a 2h.

Ainsi, la pire des possibilités de développement de l’adversaire s’est produite. Manifestement, l’adversaire a l’intention, par une poussée rapide à travers le SEELAND, de pousser d’une part par le FOSSÉ DE LA SARINE avec 2 à 3 bataillons de combat côte à côte en direction de BERN et, d’autre part, de franchir l’AARE en force égale à AARBERG et de pousser par la LYSSBACHTAL en direction de MOOSEEDORF afin d’englober le centre politique de BERN par le nord et le sud.

Le bataillon mécanisé 14 a récemment atteint le secteur d’attente de BERN en tant que formation de première ligne, tandis que le reste des forces de la brigade a terminé l’instruction opérationnelle dans le secteur de BERNER OBERLAND et est en train de préparer la marche. En raison de l’évolution récente de la situation, le bataillon mécanisé 14 a reçu pour mission de retarder l’avance ennemie en direction de BERN pendant 5-7h et d’empêcher la sortie des forces ennemies par THÖHRISHAUS en direction de BELPMOOS, afin de créer ainsi des conditions favorables pour les forces suivantes de la brigade et d’empêcher en même temps le regroupement des forces ennemies SE de BERN et donc l’encerclement de la capitale.

Vers 1110 : Selon les dernières informations, l’ennemi se trouve dans la région de MORAT – SEELAND avec des pointes de 2 compagnies d’infanterie mécanisée. On s’attend à ce que l’adversaire rejoigne la SARINE dans l’heure qui suit, avec 1 à 2 compagnies en tête, en passant par CORMONDES. Après une préparation au feu, il franchira la SARINE d’une part à LAUPEN et d’autre part au nord via VIADUC DE LA SARINE (A1) et à CORMONDES, puis continuera vers BERN-BRÜNNEN et l’A12 dans les 2 heures qui suivent.

Vous êtes le chef de section AMBOS de la compagnie grenadiers chars 14/3 CHARLIE. Votre section a été mise en marche en tant que formation de pointe il y a 5′ (le déclenchement a eu lieu vers 1125).

Pour l’instant, vous marchez en tant que section de pointe de BERN BETHLEHEM en direction du sud-ouest sur l’A12 à NIEDERWANGEN et d’empêcher l’adversaire de franchir la SARINE à LAUPEN en tant que partie de la compagnie CHARLIE pendant au moins 4 heures (selon le commandant de la compagnie, des ordres plus détaillés seront donnés sur place).

Vers 1130 : L’adversaire a franchi la SARINE à GUMINE avec des forces de reconnaissance en nombre de sections. L’échelon supérieur reconnaît un déplacement du centre de gravité de la poussée adverse le long de l’axe MÜHLEBERG – FRAUENKAPPELEN.

L’adversaire a également rassemblé de l’infanterie mécanisée dans la zone à l’ouest de la FOSSÉ DE LA SARINE près de GUMINE. On peut s’attendre à ce qu’il donne l’assaut dans l’heure qui suit avec au moins 1 compagnie d’infanterie mécanisée en direction de BERN via MÜHLEBERG.

Pour la compagnie CHARLIE, il s’agit de retarder l’adversaire entre MÜHLEBERG et FRAUENKAPPELEN pendant 4-5h afin que notre bataillon puisse s’installer en défense dans la région de BERN BETHLEHEM ainsi que le long de l’A12.

Adversaire

2 compagnies d’infanterie mécanisée ; les moyens exacts de l’adversaire sont encore inconnus.

Forces propres

En tant que chef de section AMBOS dans la compagnie CHARLIE, vous disposez des moyens suivants :

2 patrouilles de grenadiers de chars, soit 4 groupes de grenadiers de chars avec chacun :

  • 1 chars de grenadiers CV 90
  • 2 RGW
  • 2 mini mi ainsi que
  • 3x charges cratère 88

En outre, vous disposez en tant que chef de section de l’équipe des drones de 3 mini-drones ayant chacun une autonomie de 15′.

Mission

Vous recevez par radio l’ordre suivant – vous êtes encore en approche :

Section AMBOS

  • barre dans le secteur entre ALLENLÜFTEN et HEGGIDORN dans l’heure qui suit et empêche une poussée adversaire le long de la route nationale au sud de STOCKERE pendant au moins 1h-2h sans vous imbriquer avec l’adversaire.
  • se tient prêt à se déplacer ensuite dans le secteur de NIEDERBOTTIGEN et à se tenir prêt à intervenir dans le secteur de BERN-BRÜNNEN.

Dispositions particulières :

La compagnie CHARLIE reçoit pour les 2 heures à venir la priorité de feu de l’appui de feu immédiat par la compagnie de mortiers 12cm 14/5. Comme aucun concept de conduite de feu n’a été établi pour cette évolution de la situation, les zones de feu doivent être délimitées au niveau de la section et conduites au moyen du processus ARTUS (indiquez but – intention – temps).

Environment

L’extrait de carte ALLENLÜFTEN – HEGGIDORN est suffisant pour votre sortie d’ordre. Pour une compréhension globale, il vaut toutefois la peine de jeter un coup d’œil à la carte nationale 1:50’000 (https://map.geo.admin.ch/#/map?lang=fr&center=2587119.13,1200345.31&z=6.2).

Questions

  • Prenez une décision pour le barrage ALLENLÜFTEN.
  • Tenez-vous prêt à ordonner à votre section de grenadiers de chars pendant la marche.
  • Veillez à ne pas vous imbriquer avec l’adversaire afin de pouvoir débarquer à l’Est.
  • Prévoyez efficacement le tir à l’arc dont vous disposez.

Vous pouvez déposer votre réponse sous forme de croquis – basé sur l’extrait de carte – ou dans le texte du message radio envoyé à vos chefs de groupes subordonnés.

Recommandation d’action du jeu de décision de Leader’s Digest #8

Nous avons reçu quatre réponses au jeu de décision d’août- le meilleur retour sur un problème tactique à ce jour, avec un résultat réjouissant : il s’agit de quatre solutions avec des missions compréhensibles et compactes – en plus, chacune visualisée avec des extraits de carte.

Ce qui est impressionnant cette fois-ci, c’est que les quatre solutions se ressemblent énormément. Toutes les solutions prévoient l’utilisation de postes alarme-chars dans l’avant-terrain, que ce soit par une patrouille ou par un drone ; ici, le métier a été compris et c’est ce qui fera la différence entre la victoire et la défaite.

Les quatre solutions prévoient un échelonnement de plusieurs barrages, le premier au plus tôt à la hauteur de ALLENLÜFTEN, au plus tard à la hauteur de l’entrée de la route principale dans la forêt, le dernier au plus tôt au point 673 et au plus tard à la périphérie de HEGGIDORN. L’espace entre les deux est utilisé par trois soumissions pour un troisième barrage, la quatrième utilise l’espace OBERE LEDI comme secteur de mouvement pour une contre-attaque.

Les tirs de mortier sont gérés de manière différente, une soumission indique trois espaces de tir, un autre quatre, une autre définit 11 tirs de plan, dont le « Niederhalten » comme objectif de ligne – manifestement, la formation aux nouvelles procédures de tir a déjà eu lieu ici. Les autres différences sont marginales, les messages radio sont tous compacts, des mesures d’urgence sont ordonnées – avec ces quatre auteurs, les quatre compagnies de combat d’un bataillon pourraient être conduites.

Lösungsskizze Decision Game #8

Il n’y a que sur le terrain que l’on peut juger de la pertinence des approches, mais il s’agit d’une décision cartographique – et donc d’un jugement cartographique. Parmi les quatre propositions, je préfère la variante qui a planifié tous les barrages plus à l’est que les autres. J’y vois plusieurs avantages : le danger d’un enchevêtrement ou même d’un encerclement dans ALLENLÜFTEN est réduit et le potentiel du « sac de feu » avec l’espace de bouchon (Stauraum) naturel dans la forêt devrait se développer beaucoup plus si l’adversaire est d’abord autorisé à entrer dans l’espace. Le prix pour cette solution va donc à nouveau au cap Raphael Iselin, qui s’était déjà distingué en juin avec sa recommandation d’action. Il recevra l’exemplaire de « Stratégie – La logique de la guerre et de la paix » d’Edward Luttwak. Le principe du sac à feu peut d’ailleurs être pensé encore plus loin, comme le montre la solution dans l’image ci-dessus. Celle-ci provient toutefois de l’auteur et ne sera donc pas primée.